Le monde animal regorge de curiosités biologiques, mais certains organismes défient particulièrement notre compréhension habituelle de l’évolution. Parmi eux, les monotrèmes, un groupe restreint de mammifères comprenant les échidnés et les ornithorynques, se démarquent par des caractéristiques hors du commun. Entre ponte d’œufs, anatomies uniques et comportements atypiques, ces animaux rappellent combien la nature peut être surprenante. L’échidné à nez court (Tachyglossus aculeatus), souvent considéré comme inoffensif et discret, cache pourtant une particularité anatomique intrigante : un pénis doté de quatre extrémités fonctionnelles. Explorons cet étrange attribut qui fascine les scientifiques.
Une équipe de chercheurs a créé un modèle 3D du pénis à « plusieurs têtes » des échidnés pour tenter de comprendre son fonctionnement. Les détails de l’étude sont publiés dans la revue Sexual Development.
On observe trois groupes de mammifères : les euthériens, les marsupiaux et les monotrèmes. Les premiers nourrissent leurs petits dans le placenta de la mère, tandis que les seconds se développent dans un état larvaire au sein d’un marsupium (ou poche marsupiale). Enfin, dans le groupe des monotrèmes, qui n’intègre que l’ornithorynque et les échidnés, les animaux pondent des œufs, mais nourrissent également leurs petits avec du lait.
Au cours de ces dernières années, de nombreuses études se sont concentrées sur l’ornithorynque (Ornithorhynchus anatinus), considéré comme une véritable bizarrerie de la nature. Toutefois, les échidnés, répartis en quatre espèces, n’en sont pas moins intrigants. Il suffit de se pencher sur leur organe reproducteur.
Un « étrange » pénis
Considérez ceci. D’une part, le pénis des échidnés se termine par quatre glands (ou rosettes). Et sur ces quatre « têtes », seules deux sont utilisées lors de chaque érection.
Ensuite, contrairement au pénis de la plupart des autres mammifères mâles, celui des échidnés n’est utilisé que pour la reproduction et non pour la miction. Pour uriner, ces animaux s’appuient en effet sur un cloaque. Pour rappel, cet organe « couteau suisse » permet la sortie des œufs, l’évacuation des urines et des excréments, mais aussi la reproduction chez les oiseaux, les reptiles, les amphibiens et certains mammifères.
Enfin, lorsqu’il n’est pas utilisé, le pénis des échidnés se rétracte à l’intérieur de leur corps en passant par le cloaque.
Dans le cadre d’une étude, une équipe a donc tenté mieux comprendre le pénis de ces animaux, à commencer par ces quatre fameuses rosettes. Pour ces travaux, les chercheurs se sont tournés vers l’organe reproducteur des échidnés à bec court (Tachyglossus aculeatus) pour créer un modèle informatique en 3D de cet organe (os et tissus mous) grâce à des tomodensitogrammes.
Ce modèle informatique a souligné la présence d’un tube urétral à l’intérieur duquel se déplace le sperme. Ce tube se divise ensuite en deux, puis à nouveau en deux pour permettre au sperme d’être délivré dans chacune des quatre « têtes ». Mais alors, pourquoi seules deux d’entre elles sont-elles utilisées pendant les rapports sexuels ?
Corps caverneux, corps spongieux
Les pénis des mammifères se constituent de deux types de tissus érectiles : le corps caverneux et le corps spongieux. Le premier permet de fournir une structure rigide au pénis, tandis que le second maintient le tube urétral ouvert pour permettre le passage du sperme.
Chaque tissu commence par deux structures différentes retrouvées à la base du pénis. Chez la plupart des mammifères, les deux structures du corps spongieux fusionnent en une seule, tandis que le corps caverneux reste séparé. Chez les échidnés à bec court, les chercheurs ont en revanche souligné l’inverse : le corps caverneux fusionne tandis que le spongieux reste séparé, ce qui permet d’alimenter chaque « paire de têtes », indépendamment l’une de l’autre.
Les chercheurs ignorent encore pourquoi les échidnés mâles ont évolué ainsi, mais un tel système reproducteur pourrait fournir un avantage pour la compétition sexuelle. Au cours d’une expérience distincte menée sur un spécimen, les chercheurs ont en effet découvert qu’en alternant des « paires de têtes », l’individu pouvait éjaculer dix fois de suite sans pause significative. En revanche, d’autres travaux seront nécessaires pour confirmer les raisons de cette évolution.