Le nouveau Rideau de Fer : “The Clean Network”

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Mike_Pompeo_and_Donald_Trump_with_John_R._Bolton_in_Belgium,_July_2018 - NATO - Crédits : U.S. Department of State

Le 5 août dernier, le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, a annoncé l’expansion du programme Clean Network, qui menace d’accentuer les différends diplomatiques entre la Chine et les Etats-Unis. Le gouvernement américain incite les pays du monde entier à adhérer à son “Clean Network” (“Réseau Propre”) au nom de la défense des libertés publiques. Bien que Trump ait affirmé ce 15 août qu’il envisage d’abandonner les poursuites contre Edward Snowden, qui a révélé à la presse le programme d’espionnage de masse par la NSA en 2013, on ne sait pas si celui-ci est toujours d’actualité.

Comme une déclaration de guerre numérique

L’annonce de Trump et de Pompeo a fait bondir les experts en relations internationales et les médias. Ce programme “Clean Network” visait à l’origine à interdire aux fabricants de téléphone chinois de pré-installer des applications américaines. Aujourd’hui, l’administration américaine veut aller plus loin en interdisant certaines applications chinoises comme TikTok et WeChat. Elle accuse également le régime chinois d’espionner les citoyens américains.

Bien qu’aucune preuve n’ait été fournie, on ne peut nier que les articles décrivant la surveillance de masse sur le sol chinois sont nombreux, ainsi que ceux traitant du vol de données par des entreprises chinoises. En 2019, Huawei était soupçonné d’un vol massif de données aux Pays-Bas. En conséquence, ce 14 août, à cause de la pression politique, Google a retiré la licence temporaire d’exploitation de ses services au géant chinois. Sur des millions de smartphones, les applis Google ne pourront plus être mises à jour, et elles ne seront pas pré-installées sur les nouveaux.  

Alors que des citoyens aguerris luttent contre la pollution et la surconsommation, voilà une décision qui risque de pousser des millions d’utilisateurs de Huawei à vouloir changer de smartphone.

Mike Pompeo on Twitter – 17/08/2020

Le gouvernement américain reproche à la Chine de n’avoir jamais autorisé les géants du web occidentaux à opérer sur son territoire. “En ciblant TikTok, Donald Trump double cette grande muraille numérique chinoise d’un rideau de fer américain”, annonce Le Monde. La Chine dénonce “une manipulation et une répression politiques” d’après le même journal.

Télécommunications : les Etats-Unis veulent encore tout contrôler

Comme on peut le lire sur le site du gouvernement américain, ce dernier considère que les entreprises de télécommunication chinoises “représentent un danger pour la sécurité nationale des États-Unis et ne devraient pas fournir de services de télécommunications internationales à destination et en provenance des États-Unis.”

En ce qui concerne les applications chinoises, l’administration Trump écrit : “elles menacent notre vie privée, font proliférer les virus, censurent le contenu et propagent la propagande et la désinformation.” En clair, elle utilise la peur pour tenter de faire accepter son programme, au nom des Droits de l’Homme. Droits de l’Homme qui n’ont pas non plus été respectés aux Etats-Unis, comme l’a montré le scandale des écoutes de masse en 2013. 

Bien entendu, le gouvernement chinois n’est pas irréprochable en matière de Droits de l’Homme.

Pourtant, les entreprises américaines ne montrent pas patte blanche. En effet, en décembre 2018, l’ONG Privacy International alertait sur le transfert automatique de données sur l’utilisateur à Facebook, via un identifiant Google, au moment du téléchargement d’applications. Sur 34 applications analysées, la moitié transférait certaines données même sans notre consentement.

Clean Network – Mike Pompeo Twitter

Pour revenir au “Clean Network”, il faudrait également, selon Trump, ne pas partager nos experts de la télécommunication avec la Chine, en clair : empêcher l’expatriation des ingénieurs en informatique ? Un nouveau “Droit de l’Homme” ?

Mais ce programme Clean Network ne s’arrête pas là. Toujours sur le site du gouvernement américain, on peut lire dans la section “Clean Cloud” : 

“Empêcher les informations personnelles les plus sensibles des citoyens américains et la propriété intellectuelle (…) de nos entreprises, y compris la recherche sur le vaccin COVID-19, d’être stockées et traitées sur des systèmes en nuage accessibles à nos adversaires étrangers via des sociétés telles que Alibaba, Baidu, China Mobile, China Telecom et Tencent.”

Après la course aux armements, au nucléaire, puis à la technologie, voici venu le temps de la course aux vaccins et de la guerre numérique. Au vu de ces éléments, pouvons-nous encore espérer une collaboration mondiale entre les scientifiques, peu importe leur nationalité, dans la lutte contre le virus ? Si la Russie a annoncé avoir trouvé un vaccin, peut-être que les Etats-Unis n’auront pas d’autre choix que d’accepter de partager leurs cerveaux.

La protection de la vie privée, un enjeu mondial majeur

En janvier 2020, lors d’une visioconférence en direct depuis Moscou, Edward Snowden a rappelé “Ne cessez pas de lutter pour votre liberté !” 

manifestation Edward Snowden
Berlin_2013_PRISM_Demonstration during Obama visit – Crédits : Mike Herbst – Flickr https://www.flickr.com/photos/21604182@N04/9140159212

Selon le lanceur d’alerte, les opérateurs télécoms ne devraient pas pouvoir conserver aussi longtemps nos données de localisation, et on ne devrait pas accepter de partager nos données.

 “Rien à cacher, rien à craindre”, d’après Snowden : “si vous acceptez ce principe, vous ne protégez plus l’émergence de différences au sein de notre société. Vous empêchez les nouvelles idées d’émerger… Et vous ne devriez pas vous justifier de vouloir vous protéger : ce sont les autres qui doivent justifier leur intrusion dans votre vie…” (Source : Le Temps)

Comment protéger ses données ?

Plusieurs solutions permettent de protéger ses données. La première est d’installer un anti-virus sur son PC et sur son smartphone. Evidemment, il faut éviter de se connecter avec ses mots de passe sur d’autres PC ou mobiles, surtout dans les cybercafés. 

Ensuite, il faut choisir des mots de passe différents pour chaque site et très difficiles à trouver, évitez donc le prénom de votre conjoint ou votre date de naissance, ajoutez des chiffres et saupoudrez de caractères spéciaux (!?%@).

Ne notez pas vos mots de passe sur un carnet que vous pourriez facilement perdre ou vous faire voler. Si vous perdez un appareil (PC, téléphone), changez les mots de passe de vos applications. 

Quand choisir des mots de passe très difficiles ne suffisent pas, certains décident d’opter pour l’installation d’un VPN, ou réseau privé virtuel. Selon Nordvpn, il s’agit du moyen le plus sûr de cacher ses données car l’adresse IP est masquée lors de la navigation sur le web et les données personnelles sont protégées par un mur virtuel, entre autres avantages. Le VPN permet par exemple à un Européen de consulter un site réservé aux Américains, ou à un Chinois de consulter des sites européens malgré les interdictions du régime autoritaire.