Souvent associés aux ciels orageux, les mammatus sont des manifestations nuageuses très particulières qui font souvent le bonheur des photographes. Toutefois, ces protubérances restent encore très mystérieuses, et on sait finalement peu de choses sur les raisons de leur apparition ou sur leurs nombreuses caractéristiques. Cet article propose de se pencher sur cette problématique tombée dans une certaine désuétude, ce qui suggère que le mystère planera encore un moment dans les cieux.
Les mammatus, aussi appelés mammas, sont des protubérances nuageuses en forme de poches – ou de mamelons, d’où leur nom – suspendus à la surface inférieure d’un nuage. De par leur aspect lisse et esthétique, ils sont souvent spectaculaires, en particulier lorsqu’ils sont éclairés par le soleil couchant. Chaque année, on retrouve ainsi de nombreuses photographies de ce phénomène, notamment durant la saison orageuse, car il se manifeste la plupart du temps sous l’enclume des cumulonimbus. Cependant, les mammatus peuvent aussi être associés à des nuages plus stables tels que les stratocumulus, les altostratus, les altocumulus, les cirrocumulus ou les cirrus, même s’ils ont alors tendance à être moins impressionnants.
Aujourd’hui, cette manifestation nuageuse reste encore bien mystérieuse. En effet, les mammatus sont loin d’être seulement associés à des orages violents – contrairement à une croyance populaire – et ils ne présentent par conséquent aucune valeur prédictive particulière quant à l’occurrence d’événements météorologiques importants (tornade, grêle, rafale de vent destructrice, pluie torrentielle…). De ce fait, les recherches et les observations sur ce sujet sont restées très limitées. Il existe toutefois de nombreuses théories tentant d’expliquer le phénomène, mais elles ont rarement pu être testées à cause du manque de mesures disponibles.
Commençons par donner une description plus fine de ces protubérances sur la base des données limitées dont on dispose. Comme on l’a vu plus haut, elles peuvent se former sur la partie inférieure de plusieurs types de nuages, et même sur les traînées de condensation laissées par les avions. La dimension horizontale d’un lobe individuel s’échelonne de 250 mètres à 8 kilomètres, avec des valeurs moyennes aux alentours de 1 à 3 kilomètres. L’extension verticale sous la base du nuage est en moyenne de 500 mètres, mais peut parfois dépasser le kilomètre. Une caractéristique intrigante est que les mammatus peuvent aussi bien couvrir toute la base du nuage sur des centaines de kilomètres que concerner seulement une partie de celle-ci. Les vitesses verticales dans les lobes sont de l’ordre de -3 mètres par seconde (subsidence) alors qu’entre ceux-ci, ce sont des mouvements compensateurs de l’ordre de +1 mètre par seconde (ascendance) qui dominent.
Lorsqu’il apparaît, un champ de mammatus peut perdurer jusqu’à plusieurs heures, bien qu’un lobe individuel ait une durée de vie approximative d’une dizaine de minutes. Les avions qui ont traversé ces protubérances indiquent que l’air peut y être fortement ou, au contraire, très peu turbulent. Enfin, la plupart des mammatus semblent surtout composés de particules glacées, bien que certains soient essentiellement composés d’eau liquide.
Les données limitées dont on dispose indiquent qu’il existe une grande variété de types et de conditions dans lesquelles les mammas peuvent se former. Nous ne rentrerons pas dans le détail des théories qui ont été avancées pour expliquer leur formation – il en existe une bonne dizaine – mais ce point suggère que plusieurs hypothèses différentes peuvent jouer de concert, variant suivant le cas étudié. À l’heure actuelle, il apparaît qu’aucune théorie n’arrive à supplanter les autres de manière évidente. Tout au plus, on peut arguer que certaines hypothèses, comme celles basées sur l’instabilité de Rayleigh-Taylor ou de Kelvin-Helmholtz semblent moins convaincantes que celles basées sur des processus de déstabilisation radiative ou d’évaporation/sublimation des hydrométéores à la base de la couche nuageuse – cette dernière étant la plus souvent citée. L’extension verticale des circulations convectives associées aux mammatus reste aussi un point d’interrogation : celles-ci remontent-elles jusqu’au sommet de la couche nuageuse ? Et quel équilibre ces circulations tentent-elles précisément de restaurer ?
On le voit, l’origine des mammatus et même certaines de leurs caractéristiques restent encore un mystère. Mieux comprendre ce phénomène nécessiterait de mettre en œuvre des campagnes d’observations couvrant toute la durée de vie du phénomène. Il faudrait aussi coupler les observations récoltées à des modélisations à très haute résolution et à des expérimentations en laboratoire. Cela permettrait de dresser un modèle conceptuel du cycle de vie d’un champ de mammatus, depuis l’environnement précurseur jusqu’à leur disparition. Toutefois, en l’absence d’enjeu opérationnel majeur, l’intérêt de la recherche sur ce sujet reste très faible, et semble même tomber dans la désuétude. Ce mystère aux formes de mamelles qui continue – et continuera de planer au-dessus de nos têtes – n’en rend que plus surprenantes leurs magnifiques photographies qui, elles, fleurissent abondamment depuis une bonne décennie.
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