C’est l’une des images les plus frappantes du James Webb Telescope à ce jour. Le cliché montre WR 140, un système stellaire binaire entouré d’anneaux de poussière s’étendant sur 10 000 milliards de kilomètres. Depuis sa publication en juillet, beaucoup se sont interrogés sur la présence de ces formes concentriques. Une équipe d’astronomes vient de tirer ça au clair. Leurs travaux sont publiés dans la revue Nature.
L’image, publiée pour la première fois en juillet par la scientifique citoyenne Judy Schmidt, montre une paire d’étoiles dans WR140 situées à environ 5 600 années-lumière dans la constellation du Cygne. Sur la photo capturée par le James Webb Telescope, le couple binaire (qui n’apparaît qu’en un point de lumière) est encerclé par une vingtaine d’ondulations concentriques. Lors de sa publication, l’image a naturellement généré de nombreuses spéculations sur ce qui pourrait causer l’effet. Nous avons enfin l’explication.
Un « anneau de fumée » tous les huit ans
L’une de ces deux étoiles est une Wolf-Rayet. Il s’agit d’un type d’étoile rare qui meurt lentement et qui a perdu sa coquille externe d’hydrogène, ne crachant désormais plus que des panaches d’hélium ionisé, de carbone et d’azote. La seconde étoile est une supergéante bleue de type O, l’une des classes les plus massives. Cet objet, chaud et brillant, perd également du gaz. À terme, ces deux étoiles exploseront en supernova.
En attendant, les deux astres se balancent l’un près de l’autre sur une orbite elliptique tous les huit ans environ.
Lorsqu’elles se rapprochent, leurs vents solaires qui filent à plus de 3 000 kilomètres par seconde se heurtent l’un à l’autre, créant un panache de matière à travers l’espace qui se dilate lentement pour former des anneaux. Comme les panaches ne sont éjectés que lorsque les étoiles sont proches, l’espacement des anneaux est défini par leur période orbitale. Ainsi, les cernes de ce nuage peuvent être comparés à celles d’un arbre. Ici, une vingtaine de cernes visibles représentent 160 ans de poussière (20 X 8 ans).
« Comme une horloge, cette étoile gonfle des anneaux de fumée sculptés tous les huit ans« , notent les chercheurs. « Huit ans plus tard, alors que le binaire revient sur son orbite, un autre apparaît identique au précédent, s’écoulant dans l’espace à l’intérieur de la bulle du précédent, comme un ensemble de poupées russes géantes imbriquées« .
Pression de radiation
Notez enfin que ces ondulations ne s’étendent pas vers l’extérieur à une vitesse constante. Au contraire, les chercheurs ont découvert qu’elles accélèrent en raison des poussées périodiques de la lumière des étoiles qui, comme toute lumière, leur apporte de l’élan. Les astronomes ont souvent vu indirectement les empreintes digitales de cet effet propulsif de la lumière des étoiles (aussi appelé « pression de radiation ») dans les vitesses inexplicablement élevées de certaines matières dans l’univers. Cependant, il n’avait jamais été directement mesuré et observé en train d’agir sur la poussière auparavant.
Désormais, avec le James Webb Telescope pleinement opérationnel, les chercheurs pourront examiner plus en profondeur WR140 au cours des années à venir. Ils espèrent également repérer d’autres systèmes qui mettront nos connaissances en physique à rudes épreuves.