Le ghosting : simple, radical, et humiliant

peur panique
Crédits :Tero Vesalainen / iStock

Le ghosting, c’est disparaître pour éviter la confrontation, couper court à toute interaction. On ne répond plus aux textos, appels ou emails. On « bloque » et ignore littéralement l’autre. Mais qu’est-ce qui motive ce comportement ? Et quel est impact sur les personnes « ghostées » ?

Le fait de « ghoster » quelqu’un – couper toute communication du jour au lendemain sans fournir d’explication – n’est apparu que récemment dans le lexique populaire. C’est pourtant un comportement très ancien. On observe le plus souvent le phénomène entravant les relations amoureuses, les amitiés, et de plus en plus les relations professionnelles. Dans ce dernier cas, un travailleur cesse de venir au travail sans préavis, et ne donne plus aucune nouvelle. Peut-être en avez-vous déjà été à l’origine, ou victime (ou même les deux). Que sait-on aujourd’hui du phénomène ?

Un phénomène de plus en plus courant

« Il n’y a pas beaucoup d’articles publiés sur le sujet, explique Tara Collins, professeure agrégée de psychologie à la Winthrop University de Rock Hill, en Caroline du Sud (États-Unis). Les médecins peuvent néanmoins s’appuyer sur ce qu’ils savent de la psychologie en matière de relations pour donner quelques indices ».

Le phénomène est courant, probablement plus que vous ne le pensez. Une étude menée auprès de 1 300 personnes, publiée dans le Journal of Social and Personal Relationships l’année dernière, a en effet révélé qu’environ un quart des participants avaient déjà été ghostés par un partenaire, tandis qu’un cinquième ont déclaré avoir eux-mêmes ghosté quelqu’un.

Vouloir mettre fin à une relation n’a rien de nouveau, et il existe différentes manières de le faire. L’une des stratégies les plus courantes est la « confrontation ouverte », dans laquelle les partenaires discutent directement de la fin de la relation. La stratégie dite « d’évitement » est également souvent employée. L’idée consiste ici à réduire les échanges au maximum, dans le but d’éviter la confrontation ouverte.

D’autres stratégies existent, plus fines et sournoises. Comme celle de « l’escalade des coûts ». Rendez la vie impossible à votre partenaire pour que la rupture se présente finalement comme la seule issue possible. Existe aussi la stratégie de « communication médiatisée », qui consiste à parler à quelqu’un d’autre de votre désir de mettre fin à la relation, dans l’espoir que cette personne communique votre désir de rupture à votre partenaire. Le fait de « ghoster » quelqu’un, une sorte de stratégie « d’évitement » poussée à l’extrême, s’ajoute ainsi à la liste. Plus facile pour celui ou celle qui en est à l’origine, probablement.

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Cette personne qui ne vous rappellera probablement jamais. Crédits : Pixabay

Les raisons de l’évitement

On ignore pour s’épargner une discussion qui aura forcément des conséquences, et on ne veut pas se justifier. Quand la relation est bien entamée, celles et ceux qui ghostent se caractérisent bien souvent par un manque de confiance : on veut éviter le conflit, mais aussi se replier sur soi-même dans le but de réfléchir. Avoir fait du mal, avoir mal agit, peut inciter une personne à se couper d’une autre pour éviter toute proximité émotionnelle qui viendrait entraver la remise en question. Et le meilleur moyen de le faire, c’est de pousser le sentiment d’évitement à l’extrême dans l’espoir que l’autre comprenne le message.

Et le faire reste une entreprise relativement simple, à l’heure des réseaux sociaux. En un clic, il est facile de faire disparaître n’importe d’une vie numérique. À une époque où les esprits sont en ébullition, où davantage d’événements se produisent en des laps de temps plus courts qu’avant, les gens ne prennent plus le temps de rompre. Ghoster, c’est finalement éviter une pression supplémentaire. Simple et efficace pour celui ou celle qui en est à l’origine. Un·e de perdu·e, dix de retrouvé·es. Grâce aux applications, il y aura toujours autour de nous des personnes disponibles qui feront oublier l’autre.

La détresse des « ghostés »

Mais qu’en est-il des personnes « ghostées » ? La psychologie s’est longtemps penchée sur l’ostracisme (rejet social). L’ostracisme peut avoir des conséquences incroyablement négatives pour la personne rejetée. Des recherches suggèrent que le rejet déclenche en effet dans le cerveau les mêmes zones que celles qui « s’illuminent » face à la douleur physique. Ceux qui se retrouvent ghostés se retrouvent alors souffrants, et complètement désemparés.

« Rester en contact avec les autres est si important pour notre survie que notre cerveau a évolué pour devenir un système de surveillance sociale. Il cherche à détecter les signaux visant à nous permettre de réagir face aux situations sociales, explique Jennice Vilhauer, psychologue à l’Université Emory (États-Unis). Les signaux sociaux nous permettent de réguler notre propre comportement en conséquence, mais une personne qui vous ghoste vous prive de ces signaux habituels ».

C’est pourquoi les personnes sensibles aux sentiments d’incertitude ont beaucoup de mal à s’en remettre. En plus de la douleur du rejet, ces derniers essaient comme ils peuvent de répondre aux milliards de questions non résolues qui ne trouveront probablement jamais de réponses. C’est pourtant en prenant conscience des intentions de celui ou celle qui ghoste que ceux qui ont sont victimes seront à même de gérer le problème et de passer à autre chose.

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