Le franchissement de « points de bascule » à l’origine d’un réchauffement brutal il y a 56 millions d’années

Terre espace
Image d'illustration. Crédits : Max Pixel.

Une étude permet de mieux comprendre les causes de l’épisode hyperthermique qui marque le passage du Paléocène à l’Éocène. En particulier, elle met en évidence le franchissement de points de bascule climatiques suite à une intense activité volcanique sous-marine. Les résultats sont récemment parus dans la revue Nature Communications.

Il y a 56 millions d’années, la Terre connaissait l’une des périodes de réchauffement climatique les plus rapides de son histoire. Cette phase où la température moyenne de la planète, déjà élevée, a augmenté de 5 °C à 8 °C en une dizaine de milliers d’années est connue sous le nom de maximum thermique du Paléocène-Éocène (PETM pour l’acronyme anglais). Sans surprise, ce dernier s’est accompagné d’importantes extinctions marines et terrestres.

Une meilleure compréhension du rôle joué par le volcanisme

À l’origine du PETM, on trouve une libération massive et multimillénaire de gaz à effet de serre. En conséquence, la concentration atmosphérique en dioxyde de carbone (CO2) et en méthane (CH4) s’est envolée. Toutefois, si les scientifiques pensent que le volcanisme a participé à ces émissions, l’agencement précis des facteurs responsables de l’évènement reste débattu dans la communauté.

PETM points de bascule
Illustration du maximum thermique lors de la transition Paléocène-Éocène il y a 56 millions d’années. Ici, sur la température du fond des océans. Notez également le lent refroidissement au fil des millions d’années depuis lors. Crédits : NOAA.

De récents résultats viennent éclairer la question. En effet, grâce à l’étude de sédiments marins prélevés en mer du Nord, les chercheurs ont pu évaluer la part relative attribuable au volcanisme dans le déroulé des évènements. On rappelle que ce dernier avait pris la forme de grandes cheminées hydrothermales en lien avec la province magmatique nord-atlantique.

« Nous voulions tester l’hypothèse selon laquelle cette libération de gaz à effet de serre sans précédent a été déclenchée par de grandes éruptions volcaniques », explique Sev Kender, auteur principal du papier. « Comme les volcans libèrent également de grandes quantités de mercure, nous avons mesuré le mercure et le carbone dans les carottes sédimentaires pour détecter tout volcanisme ancien ».

L’importance des points de bascule climatiques

« La surprise est que nous n’avons pas trouvé de relation simple avec une augmentation du volcanisme lors de la libération de gaz à effet de serre », poursuit le chercheur. « Nous avons découvert que le volcanisme ne se produisait qu’au début de la phase, et donc qu’une autre source de gaz à effet de serre a dû être mise en jeu après le volcanisme ».

Anomalies de températures au début de l’Éocène au-dessus des mers (gauche) et des terres (droite). Les écarts sont calculés par rapport à l’époque préindustrielle. Crédits : IPCC/AR5.

Autrement dit, si l’évènement déclencheur a été les cheminées hydrothermales, la poursuite du changement sur plusieurs milliers à dizaine de milliers d’années serait le fait de sources non volcaniques. Selon les chercheurs, ces réservoirs de carbone sont très probablement les hydrates de méthane sous-marins et les pergélisols, déstabilisés suite à l’élévation initiale des températures.

Un phénomène de rétroaction positive – amplificateur de la perturbation initiale – qui n’est pas sans rappeler celui qui menace de se mettre en route avec le réchauffement actuel. « Nos résultats soutiennent l’existence de points de bascule dans le système Terre, qui peuvent déclencher la libération de carbone de réservoirs additionnels et conduire le climat de la Terre dans un état plus chaud », notent à ce titre les auteurs dans le résumé de leur étude.