Le climat des dernières décennies est-il définitivement ‘perdu’ ?

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Même si les émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO2) atteignaient le net zéro et permettaient d’orienter les concentrations atmosphériques à la baisse, l’inertie du système Terre empêcherait un simple retour au climat du passé. Une irréversibilité que des travaux parus ce 9 décembre dans la revue Nature Climate Change viennent illustrer.

Si le discours sur le changement climatique peut parfois donner une impression de répétitivité, il s’agit en réalité d’un problème fortement évolutif. En effet, on ne peut plus parler du réchauffement global aujourd’hui comme on en parlait il y a vingt ou trente ans. Ainsi, il n’est plus question d’empêcher ce réchauffement, mais d’en limiter l’ampleur et de s’y adapter autant que faire se peut.

Hystérésis climatique : l’exemple de la zone de convergence intertropicale

Ce qui était encore une simple alerte au début des années 1990 est désormais une réalité qui a évolué à tel point qu’il n’est plus possible de retrouver le climat passé même si les émissions de gaz à effet de serre étaient ramenées au net zéro. Autrement dit, nous avons déjà fortement engagé le futur et une partie des évolutions est désormais irréversible aux échelles de temps qui nous intéressent. Les scientifiques parlent à ce titre d’hystérésis.

De nouveaux travaux axés sur la zone de convergence intertropicale (ZCIT) permettent d’illustrer ce phénomène. Dans leur étude, les chercheurs ont effectué une simulation où la teneur en CO2 s’élève jusqu’à plus de 1400 ppm (parties par million) puis diminue rapidement. Le modèle montre alors comment la ceinture de pluies bascule brutalement vers l’hémisphère sud et favorise dans le même temps la survenue d’épisodes El Nino lorsque le CO2 se met à redescendre.

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Anomalie de précipitation annuelle (en %) et de vent (flèches) par rapport au climat actuel lorsque la concentration atmosphérique en CO2 diminue après avoir atteint un pic à 1468 ppm. Crédits : Jong-Seong Kug & coll. 2021.

Un climat durablement perturbé

Ces mouvements induisent un bouleversement des cycles hydrologiques régionaux alors même que le forçage lié au gaz à effet de serre s’atténue. De même, lorsque les concentrations reviennent à leur niveau préindustriel, la zone de convergence intertropicale reste dans cette position anormalement sud. En cause, l’inertie thermique de l’hémisphère austral qui, en raison de son importante surface océanique, se refroidit moins rapidement que l’hémisphère nord. Aussi, comme les contrastes thermiques restent perturbés, la ZCIT ne retourne pas à sa position d’origine.

« Il est impossible de refléter correctement le système climatique si l’on ne tient compte que de la température moyenne mondiale et des niveaux de précipitations lors de la création de politiques d’atténuation visant à prévenir le changement climatique, telles que la neutralité carbone », souligne Jong-Seong Kug, auteur principal du papier. « Les gaz à effet de serre déjà émis ont des effets durables sur la planète, nous devons donc reconnaître leurs impacts à long terme au même titre que leur effet immédiat sur le changement climatique ».