Le « cerveau de l’intestin » régule la glycémie indépendamment du système nerveux central !

estomac intestin ventre
Crédits : Pixabay / Elionas2

Par abus de langage, nous définissons l’intestin comme étant notre « deuxième cerveau ». Or, des chercheurs étasuniens ont découvert l’action indépendante du système nerveux intestinal sur notre glycémie. Pour les experts, cette découverte n’est pas si étonnante.

Le microbiote régule la glycémie

L’intestin possède son propre système nerveux, poussant la vulgarisation à parler de « deuxième cerveau ». Si cette appellation n’a rien de scientifique, il faut tout de même savoir que notre système nerveux entérique possède beaucoup de neurones, c’est-à-dire autant que la moelle épinière. Celui-ci joue un rôle dans diverses fonctions telles que la fonction immunitaire, la fonction motrice ainsi que la fonction hormonale.

Par ailleurs, les experts dans le domaine savaient déjà que le microbiote intestinal fait l’objet d’une d’une corrélation statistique à des variations de notre glycémie. En revanche, cette corrélation n’était jusqu’ici pas considérée comme une causalité. Dans une étude publiée dans la revue Science le 27 août 2020, des chercheurs de l’Université Rockfeller (États-Unis) font état de leurs avancées. Les scientifiques ont mené des expériences montrant qu’il existe au moins un mécanisme dépendant du microbiote agissant sur la régulation du glucose et de l’insuline.

glycémie
Crédits : PxHere

Une méthodologie pour un processus complexe

RiboTag est le nom de la méthodologie mise en place par les scientifiques à partir de recherches sur les souris. Il s’agissait de récolter l’ensemble des ARN messagers produits par certaines parties de l’intestin et en cours de traduction (transcriptome) avant de pratiquer un séquençage. Au préalable, les meneurs de l’étude ont conçu des souris transgéniques capables d’exprimer une petite séquence protéique (tag) dont le but sera de s’exprimer dans la partie de l’ADN messager subissant la traduction (exon).

Par ailleurs, le tag est spécifique à certaines cellules – ici les neurones -, chose possible grâce aux outils du génie génétique. Ainsi, les cellules vont exprimer le tag avant qu’un anticorps spécifique à ce même tag isole et concentre les ARN messagers en cours de traduction. Ce processus se nomme l’immunoprécipitation.

Un neuropeptide particulier

L’étude a permis de comparer des souris avec ou sans microbiote. Selon les résultats, moins le microbiote est riche en espèces de bactéries, plus le transcriptome diffère. Or, ces différences se situent notamment dans des régions comme le côlon. Il faut savoir que le microbiote est à l’origine de l’expression de métabolites divers et variés. Parmi ces derniers, nous retrouvons des neuropeptides dont le CART+ (Cocaine and amphetamine regulated transcript).

Le neuropeptide CART n’est pas un secret pour les personnes travaillant dans la recherche fondamentale. En effet, celui-ci détermine la prise alimentaire mais est aussi exprimé dans l’hypothalamus, une partie du cerveau jouant notamment un rôle dans la récompense et la régulation du poids corporel. Or, le fait est que la présence de CART a intrigué les chercheurs et ceux-ci ont voulu comprendre sa source et sa finalité.

Pour ce faire, les scientifiques ont utilisé un virus modifié dans le but d’infecter les neurones secrétant CART. À savoir que les neurones ont fait l’objet d’une infection rétrograde, c’est-à-dire en retournant à leur point de départ. Ainsi, les chercheurs ont pu observer que les neurones CART partent de l’intestin vers les viscères, innervant par la suite le ganglion mésentérique supérieur. Or, ce dernier est relié au pancréas et au foie via le système nerveux sympathique.

Définir le rôle de ces neurones

Les scientifiques ont effectué des expériences consistant à activer et désactiver les neurones CART. Ceci a été possible grâce à un récepteur modifié pouvant être activé seulement en la présence d’un ligand synthétique. Ce dernier n’est autre que la Clozapine-N-oxyde, une molécule de synthèse permettant d’activer le fameux récepteur.

Lorsque les neurones CART sont actifs, on observe une diminution de la prise alimentaire chez la souris. Citons également la présence d’une augmentation de la glycémie et d’une diminution de l’insulinémie. En cas de désactivation, les réactions sont à l’opposé. Par ailleurs, cette désactivation vient interférer avec la néoglucogenèse. Il s’agit de la voie métabolique générant du glucose à partir d’autres substrats.

En somme, le microbiote induit une sécrétion de neuropeptides CART via certains neurones du système nerveux entérique. Ceci innerve indirectement le foie et le pancréas et génère une fonction gluco-régulatrice sans aucune intervention du système nerveux central. Cette découverte n’est pas une fin en soi et soulève de nombreuses questions que les scientifiques devront étudier. Peut-être que dans un avenir proche, réguler ces secrétions de CART pourrait permettre de combattre certaines maladies telles le diabète et l’obésité.