Le bassin arctique risque d’être libre de glace en été plus tôt que prévu

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Crédits : Pikrepo.

Une étude axée sur l’état de la banquise arctique lors du précédent interglaciaire laisse craindre un retrait plus rapide que prévu avec le réchauffement actuel. Une conclusion qui appuie l’idée selon laquelle les modélisations récentes tendent à sous-estimer le recul futur de la glace de mer arctique.

La région arctique constitue l’un des grands symboles du changement climatique en cours. En effet, les températures y augmentent 2 à 3 fois plus rapidement que la moyenne mondiale et la banquise recule à un rythme majeur. Pour donner une idée, près de trois quarts du volume de glace de mer présent en fin d’été a disparu entre 1980 et 2019. Il va sans dire que de telles évolutions ont des implications environnementales et socio-économiques considérables.

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Proportion de glace pluriannuelle (bleu clair à rouge) et saisonnière (bleu foncé) entre 1985 et 2019. Notez la baisse majeure de la glace âgée de plusieurs années. Une évolution qui traduit une diminution de l’épaisseur de la banquise en plus de celle de son extension. Crédits : NSIDC.

Fonte de la banquise : une dynamique de cercle vicieux

Le retrait des surfaces englacées expose de façon croissante la surface de l’océan au rayonnement solaire. Or, contrairement à la glace, l’eau réfléchit très peu les rayons émis par l’astre. Ainsi, une fraction plus élevée d’énergie incidente est absorbée au niveau du cercle arctique. Un processus qui accélère encore plus la fonte et l’absorption du rayonnement solaire. Autrement dit, un cercle vicieux. Dans le milieu scientifique, on parle de rétroaction de l’albédo. On voit ainsi comment une perturbation modérée peut être décuplée par le jeu d’interactions complexes et hétérogènes.

Avec la poursuite du réchauffement, les modèles climatiques anticipent un Arctique libre de glace en été vers le milieu du siècle. Toutefois, plusieurs études ont mis en avant la difficulté qu’ont ces modèles à reproduire la brutalité de la baisse récemment observée. Par ailleurs, des processus signifiants – comme la rhéologie de la glace – ne sont pas ou mal pris en compte. Aussi, il est plausible que ces projections sous-estiment la vitesse réelle du retrait de la banquise arctique.

Un Arctique libre de glace plus tôt que prévu?

Une nouvelle étude parue le 10 août dans la revue Nature climate change vient nourrir ces soupçons. Initialement, les chercheurs se sont intéressés à l’état de la banquise arctique lors du dernier interglaciaire il y a environ 127 000 ans. Ils ont pu identifier un élément-clé nécessaire à la bonne représentation des conditions de l’époque dans leur modèle. Il s’agit des mares de fonte, lesquelles constituent des étendues d’eau douce à la surface de la banquise. Lorsque le modèle les prend en compte, il produit une rétroaction de l’albédo plus importante. Autrement dit, un pôle plus chaud et une extension de banquise plus faible que ce qui avait été simulé jusqu’à présent. Des résultats qui réconcilient la modélisation avec les proxys paléoclimatiques

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Simulation de l’anomalie de température en été lors du dernier interglaciaire par rapport à la période préindustrielle. Les pastilles indiquent les anomalies reconstruites via proxys paléoclimatiques. Crédits : Maria-Vittoria Guarino & al. 2020.

« Les fortes températures dans l’Arctique déroutent les scientifiques depuis des décennies. Démêler ce mystère était techniquement et scientifiquement difficile (…). Les progrès réalisés dans la modélisation du climat nous permettent de créer une simulation plus précise du climat passé de la Terre, ce qui, à son tour, nous donne une plus grande confiance dans les prévisions des modèles pour l’avenir », note Maria Vittoria Guarino, auteure principale du papier.

Aussi, appliqué au climat futur, le modèle prédit un Arctique libre de glace dès 2035. « Nous savons que l’Arctique subit des changements importants à mesure que notre planète se réchauffe. En comprenant ce qu’il s’est passé pendant la dernière période chaude de la Terre, nous sommes mieux placés pour comprendre ce qui se passera à l’avenir. La perspective d’une perte de glace de mer d’ici 2035 devrait vraiment concentrer tous nos esprits sur la réalisation d’un monde à faibles émissions de carbone dès que cela est humainement possible », ajoute Louise Sime, co-auteure de l’étude.

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