Curieux de savoir pourquoi les géologues lèchent les roches ou combien de poils de nez il y a sur un cadavre humain ? Les équipes à l’origine de ces efforts de recherche, ainsi que d’autres, ont récemment été retenues comme lauréates 2023 des prix Ig Nobel annuels.
Rire, puis réfléchir avec les prix Ig nobel
Les prix Ig Nobel sont un ensemble de prix humoristiques décernés chaque année depuis 1991 lors d’une cérémonie tenue à Harvard à des recherches scientifiques qui, bien que souvent surprenantes au premier abord, suscitent également la réflexion. Ils représentent en quelque sorte un contrepoint amusant aux prestigieux prix Nobel. Voici quelques-uns des lauréats de cette année.
Le prix ​​de Chimie/Géologie
Cet Ig Nobel revient cette année à Jan Zalasiewicz pour avoir expliqué pourquoi de nombreux scientifiques aiment lécher les pierres. Certains géologues ou paléontologues ont en effet une habitude particulière : lécher les roches. Ces chercheurs vous diront que c’est un très bon moyen de tester si une roche est une roche ou un morceau d’os fossilisé (ce dernier aura alors tendance à coller à la langue). D’autres n’hésitent pas non plus à broyer certaines roches entre leurs dents pour déterminer la taille des grains, et donc savoir si la roche contient de l’argile ou du limon. Selon Zalasiewicz, ce « goût pour la stratigraphie » pourrait remonter à un ingénieur minier, arpenteur et minéralogiste autoproclamé du XVIIIe siècle nommé Giovanni Arduino.
Le prix ​​de Génie Mécanique
Ce prix revient à Te Faye Yap, Zhen Liu, Anoop Rajappan, Trevor Shimokusu et Daniel Preston, pour avoir utilisé des araignées mortes comme outils de préhension mécanique. Vous l’avez probablement remarqué : les araignées mortes ont tendance à recroqueviller leurs pattes. Or, il semblerait que ce corps sans vie puisse avoir des applications utiles en robotique. Des scientifiques de l’Université Rice ont en effet exploité ce mécanisme de locomotion inhabituel chez les araignées-loups pour créer des sortes de pinces mécaniques.
Ces arachnides pouvaient ainsi soulever de manière fiable des objets pesant plus de 1,3 fois leur poids corporel tout en exerçant une force de préhension maximale de 0,35 millinewton. Ces pinces pouvaient également tenir jusqu’à 1 000 cycles d’ouverture/fermeture avant que l’usure des articulations ne provoque la rupture du corps.

Le prix ​​de Médecine
Ce prix revient à Christine Pham, Bobak Hedayati, Kiana Hashemi, Ella Csuka, Tiana Mamaghani, Margit Juhasz, Jamie Wikenheiser et Natasha Mesinkovska. Ces derniers ont utilisé des cadavres pour déterminer s’il y avait un nombre égal de poils dans chacune des deux narines d’une personne.
Initialement, cette étude a été déclenchée par intérêt pour la pelade (alopécie areata). Il s’agit d’une affection dermatologique caractérisée par la perte soudaine et inattendue de cheveux, généralement sur le cuir chevelu, mais elle peut également affecter d’autres parties du corps, y compris les cils, les sourcils et les poils du nez.
En ce qui concerne le manque de poils dans les narines, les chercheurs ont noté que de nombreuses personnes souffrant de cette maladie sont plus sujettes aux infections des voies respiratoires supérieures, aux allergies et à la sécheresse. Ils se sont alors aperçus que personne n’avait encore pris le temps de compter le nombre moyen de poils du nez chez l’Homme. Il s’agit pourtant d’une information importance pour évaluer in fine les effets que leur absence pourrait avoir sur la qualité de vie des patients. Pour ce faire, les chercheurs ont utilisé une vingtaine de cadavres. Résultat : le nombre moyen de poils du nez par narine se situe entre 120 et 122.
Le prix ​​de la santé publique
Ce prix de cet Ig Nobel revient à Seung-min Park pour avoir inventé des toilettes capables de surveiller et d’analyser rapidement les substances excrétées par les humains. Pendant la crise du Covid, beaucoup ont exprimé de la douleur et de l’inconfort lors des tests impliquant un écouvillon nasal. Dans le but de remédier à cela, Park Seung-min, instructeur au département d’urologie de la faculté de médecine de l’université de Stanford, a inventé des toilettes capables d’analyser des échantillons d’urine et de selles pour générer des rapports de santé personnalisés.

Le prix ​​de psychologie
Ce prix revient à Stanley Milgram pour son expérience visant à déterminer combien de passants s’arrêtent pour regarder vers le haut si d’autres personnes regardent elles-mêmes vers le haut.
Stanley Milgram est un psychologue renommé principalement connu pour ses célèbres expériences sur l’obéissance à l’autorité. En 1969, il avait cependant également dirigé une étude moins controversée sur la formation des foules et examiné le pouvoir d’attraction de foules de différentes tailles. Milgram avait utilisé un tronçon de trottoir très fréquenté de New York comme laboratoire.
Lorsqu’un signal était donné depuis la fenêtre du sixième étage d’un immeuble de l’autre côté de la rue, une foule « de relance » (composée de 1, 2, 3, 4, 5, 10 ou 15 personnes) entrait dans la zone d’observation, s’arrêtait, regardait par la fenêtre pendant une minute, puis se dispersait. L’expérience avait été répétée plusieurs fois et filmée. Le but était de déterminer combien des piétons passant par là modifiaient leur comportement en réponse, soit en s’arrêtant et en levant les yeux, soit en levant les yeux sans interrompre leur pas.
Si une seule personne levait les yeux, seulement 4% des passants s’arrêtaient pour lever également les yeux. En revanche, 40% de ces passants s’arrêtaient lorsque la foule de relance comptait quinze personnes. Il en était de même pour les passants qui levaient les yeux sans s’arrêter. 42 % levaient le regard si la foule de relance ne contenait qu’une personne contre 86 % lorsqu’il y avait quinze personnes dans la foule.
Ces résultats étaient alors contraires à un modèle existant supposant que le nombre de personnes disponibles pour rejoindre un groupe (les piétons dans ce cas) est le facteur critique, et non la taille de la foule de stimulation. En réalité, Il est ressorti de ces analyses que la taille de la foule de stimulus était un facteur clé.