Avec leurs corps visqueux, leurs bouches circulaires remplies de dents et leurs tendances parasitaires, les lamproies ont longtemps été considérées comme des créatures cauchemardesques. Pourtant, ces étranges créatures partagent un ancêtre commun avec les humains, ce qui soulève des questions fascinantes sur notre évolution commune.
Qu’est-ce que la crête neurale ?
La crête neurale est une structure qui se forme lors du développement embryonnaire à partir de cellules de l’ectoderme, la couche externe de l’embryon. Elle émerge le long du tube neural qui se développera ultérieurement en système nerveux central. Chez les vertébrés à mâchoires, cette crête joue un rôle essentiel dans le développement de divers tissus et organes. Elle est impliquée dans la formation des neurones, des cellules gliales et d’autres types de cellules spécialisées.
Cela étant dit, pendant des décennies, les scientifiques ont supposé que les lamproies, considérées comme des fossiles vivants (ayant très peu changé depuis leur évolution), n’avaient pas de mâchoire en raison de l’absence de crête neurale, mais est-ce vraiment cas ?
Pour le savoir, des chercheurs ont récemment mené une étude visant à identifier d’éventuels précurseurs plus primitifs de cette fameuse crête neurale chez les lamproies. Résultat : ils ne les ont pas trouvés. Ils ont cependant observé quelque chose de totalement inattendu et identifié par accident une chaîne de cellules nerveuses qui ressemblait étonnamment à un système nerveux sympathique.

Combat ou fuite
Pour rappel, ce système est normalement associé aux vertébrés à mâchoires et est impliqué dans la réponse de fuite ou de combat des organismes lorsqu’ils sont confrontés à un danger. Une fois activé, plusieurs changements physiologiques se produisent. D’une part, le cœur bat plus rapidement pour fournir plus de sang et d’oxygène aux muscles et aux organes vitaux. Les pupilles se dilatent également pour permettre une meilleure vision, tandis que la sudation augmente pour réguler la température corporelle et aider à refroidir le corps pendant l’activité physique accrue. Le foie libère également du glucose dans le sang pour fournir un supplément d’énergie aux cellules musculaires et aux organes pendant la réponse au stress.
Pour confirmer cette découverte, les chercheurs ont ensuite mené des analyses d’ARN qui ont révélé la présence de nerfs et d’enzymes précurseurs de la noradrénaline. Or, la noradrénaline est un neurotransmetteur crucial impliqué dans la réponse au stress et la modulation de la réactivité du système nerveux autonome.
Des mécanismes de survie similaires
Cette découverte remet ainsi en question les idées précédentes sur l’évolution des vertébrés et suggère que les lamproies ont développé une capacité de réponse au danger bien avant ce que l’on pensait auparavant. Elle soulève également des questions fascinantes sur l’évolution du système nerveux chez les vertébrés et la façon dont différentes espèces, y compris les humains (nous avons un ancêtre commun avec les lamproies), ont développé des mécanismes de survie similaires face aux menaces de leur environnement.
En fin de compte, cette recherche nous rappelle que même les créatures les plus étranges et les plus effrayantes de la nature peuvent avoir un rôle important à jouer dans notre compréhension du monde qui nous entoure.
Les détails de l’étude sont publiés dans la revue Nature.
