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L’altération des roches par les eaux de pluie, un puits de carbone géologique revu à la baisse

Crédits : Wikimedia Commons.

Des mesures de terrain effectuées sur huit grands systèmes fluviaux de la planète indiquent que l’ampleur de la dissolution minérale à l’échelle des temps géologiques – millions d’années – a été surestimée. Aussi, la capture de carbone qui lui est associée est moins efficace qu’évalué précédemment. Un point qui soulève des questions quant à la dynamique du climat à ces échelles de temps.

L’altération des roches terrestres par les eaux de pluie retire du carbone du réservoir atmosphérique de manière très lente mais inexorable. En effet, la faible quantité d’acide carbonique contenu dans les gouttes d’eau et les rivières dissout peu à peu les minéraux présents dans les roches. Un processus qui conduit à terme au piégeage du carbone dans les sédiments marins. Ainsi, à l’échelle géologique, il s’agit d’un puits particulièrement efficace – régulateur de l’effet de serre et du climat global.

Un processus géologique notablement surestimé

Toutefois, une étude parue dans la revue PNAS vient remettre en question l’ampleur réelle du phénomène. Plus précisément, l’efficacité de cette pompe serait finalement moindre que ce que l’on pensait jusqu’à présent. Dans leur papier, les chercheurs indiquent ainsi que l’altération moyenne aurait été surestimée de 12 % à 28 %. Les plus grands écarts étant situés au niveau des grands fleuves de zones montagneuses – plateau Tibétain, nord-ouest canadien, etc. Comment expliquer de telles différences ?

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Vue sur le Brahmapoutre, au sud-est du Tibet. Crédits : Wikimedia Commons.

« L’un des meilleurs endroits pour étudier le cycle du carbone sont les fleuves, ce sont les artères des continents. Ils sont le lien entre la Terre solide et les océans (…) » note Ed Tipper, auteur principal de l’étude. « Depuis des décennies, les scientifiques mesurent la chimie des eaux fluviales pour estimer les taux d’altération. Le sodium dissous est l’un des produits d’altération les plus couramment mesurés, mais nous avons montré que ce n’est pas si simple et qu’en fait le sodium vient souvent d’ailleurs » détaille Victoria Alcock, co-auteure du papier.

Repenser le lien entre sodium et altération

Les nombreuses mesures de terrain effectuées par l’équipe de chercheurs ont montré qu’une partie notable du sodium provenait d’argiles très anciennes situées au niveau des bassins versants. Autrement dit, d’anciens sédiments et non de l’altération moderne. Par conséquent, il devient nécessaire d’apporter une correction pour estimer le taux réel de dissolution. Sans la prise en compte de ces éléments, trop de sodium sera considéré et les valeurs déduites surestimées. «  C’est grâce au travail acharné de nombreux collaborateurs et étudiants sur de nombreuses années que nos échantillons ont eu la possibilité de mettre en avant ce processus chimique complexe » ajoute Ed Tipper.

Est-ce là à dire que le climat terrestre est moins régulé que ce que l’on pouvait penser ? Pas vraiment. Il est très probable qu’un autre puits de carbone soit à l’inverse plus important qu’estimé auparavant. On peut penser à l’altération des silicates sous-marins ou même à la vie. Néanmoins, à l’heure actuelle il ne s’agit que d’une série d’hypothèses. Pour espérer entrevoir la réponse à ces questions, de futures recherches sont indispensables.

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