L’accélération des courants marins à l’origine d’une « atlantification » de l’océan Arctique

Arctique
Crédits : NASA Goddard Space Flight Center.

L’océan glacial arctique abrite un biome marin qui ressemble de plus en plus à celui de l’océan Atlantique. Selon une nouvelle étude, la cause principale de cette évolution réside dans l’accélération des courants marins à l’interface entre les deux bassins. Des résultats publiés dans la revue scientifique Nature communications le 6 avril dernier. 

La région polaire nord est une zone géographique particulièrement affectée par le changement climatique. En effet, celle-ci s’est réchauffée 2 à 3 fois plus rapidement que le reste du globe au cours des dernières décennies. Par ailleurs, le volume de glace s’est fortement réduit. En particulier en fin d’été où l’on a mesuré une diminution d’environ 75 % par rapport au début des années 1980.

Arctique : un biome marin en évolution rapide

Ces changements physiques s’accompagnent d’une modification des propriétés écologiques de l’océan Arctique. En particulier, on observe que l’écosystème marin nominal occupe une surface de plus en plus restreinte. Son retrait vers l’intérieur du bassin est particulièrement marqué du côté atlantique. Là où s’opèrent près de 80 % des échanges avec les latitudes plus basses.

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Illustration du système de courants atlantiques évoqué dans l’article (flèches rouges). En outre, les courants polaires et côtiers sont indiqués par des flèches cyans et vertes. Enfin, la bathymétrie est présentée en nuances de bleu. Crédits : L. Oziel & al. 2020.

Les attributs biologiques de l’Atlantique envahissent donc progressivement l’extrême nord. On citera par exemple l’installation saisonnière de phytoplancton caractéristique des moyennes latitudes. À ce titre, les chercheurs parlent d’une atlantification de l’Arctique.

Jusqu’à très récemment, on pensait que ce phénomène était principalement piloté de façon locale par la température de l’eau. Le réchauffement lié au recul des glaces offrant des conditions propices au développement d’organismes proliférant habituellement plus au sud.

L’accélération régionale des courants marins mise en cause

Toutefois, de nouveaux travaux effectués par le CNRS (France) et l’Université Laval (Québec) montrent que cette intrusion est avant tout le reflet d’une accélération des courants marins à l’interface entre les deux bassins océaniques. Une circulation plus active propageant le biome marin des latitudes tempérées vers le pôle.

Notons au passage que les courants mis en jeu font partie d’un système de circulation régional bénéficiant d’une autonomie propre. Il ne possède de fait qu’un lien très indirect avec le Gulf Stream. Aussi, l’un peu s’accélérer ou s’étendre même si l’autre ralentit ou reflue.

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Évolution du débit des courants entre 1993 et 2015. Les valeurs sont données en mm/s/an (couleurs) et en valeur absolue (pourcentages). Les chiffres étant calculés comme la tendance linéaire sur la période. Crédits : L. Oziel & al. 2020.

Ces résultats ont été obtenus grâce à des mesures du niveau de la mer par altimétrie satellitaire et au suivi d’une algue planctonique nommée Emiliania huxleyi. Si les scientifiques ont choisi cet organisme, c’est qu’il tend à réfléchir efficacement une partie du rayonnement solaire. Et ce, du fait de sa coquille calcaire. Vue depuis l’espace, l’eau dans laquelle il prolifère arbore ainsi de profondes teintes turquoises. Les mouvements de l’espèce sont par conséquent facilement traçables. Au terme de l’évaluation, il est apparu que le régime de courants nord-atlantique avait doublé en intensité au cours des 24 dernières années.

« En entraînant une telle expansion vers les pôles, les processus advectifs pourraient affecter l’ensemble des écosystèmes marins en modifiant la répartition des espèces et en altérant les interactions aux niveaux trophiques supérieurs » note le papier en guise de conclusion. De quoi stimuler de futures recherches sur le sujet.

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