L’absorption de neutrinos par la Terre mesurée pour la première fois !

Les neutrinos sont de minuscules particules subatomiques qui n’ont pas de charge et pratiquement aucune masse, si petites qu’elles glissent généralement à travers les atomes de la Terre, ne laissant qu’une infime trace de leur présence (environ 100 000 milliards de neutrinos traversent votre corps chaque seconde). Mais toutes ne s’en tirent pas indemnes. De nouvelles recherches confirment que des « particules fantômes » hautement énergétiques peuvent être stoppées net. Une découverte qui ne surprend pas les théoriciens mais qui pourrait nous en apprendre davantage sur le cœur de notre planète.

Ces interactions de neutrinos à haute énergie ont été observées par le détecteur IceCube, un réseau de 5 160 capteurs optiques de la taille d’un ballon de basket enfouis profondément dans un kilomètre cube de glace d’Antarctique. Le fait que les neutrinos puissent interagir avec d’autres morceaux de matière, et donc théoriquement être absorbés, n’est pas ce que l’on pourrait appeler une « révélation ». Le modèle standard de la physique — cette théorie qui prédit comment toutes les particules devraient se comporter — nous dit exactement à quoi nous attendre. En revanche, ces neutrinos sont difficiles à attraper. Ils nous viennent du cosmos et passent, l’air de rien, sans même prendre le temps de s’arrêter pour une poignée de main atomique. Donc, en d’autres termes, nous savons par la théorie que certains neutrinos peuvent être absorbés par la matière, mais c’est aujourd’hui la première fois que nous le mesurons.

Le neutrino a une petite probabilité d’interagir, et cette probabilité augmente avec l’énergie. Cette chance d’interaction est appelée « section transversale ». Le problème n’est pas que nous ne le sachions pas — c’est que nous n’avons pas les moyens de produire des neutrinos suffisamment énergétiques. Les accélérateurs de particules sur Terre ne sont pas assez puissants. Les seuls accélérateurs capables de produire de tels neutrinos énergétiques sont ceux qui opèrent à l’échelle cosmique — nous parlons ici des trous noirs supermassifs et des noyaux des galaxies formant des étoiles.

Il y a quelques jours des chercheurs ont pu détecter les signes de ces neutrinos suralimentés en Antarctique donc, grâce aux 5 160 détecteurs disponibles. Ceux-ci fonctionnent en mesurant de faibles éclairs de radiation qui se produisent lorsque le neutrino occasionnel se heurte à une autre particule. L’événement n’est pas très commun. Rappelez-vous : des milliards de ces particules vous traversent en ce moment même, tout le temps. En une année d’analyses, les chercheurs ont néanmoins pu étudier 10 784 flashs détectés. Ils ont pu déterminer les énergies de ces particules et ont découvert qu’il y avait moins de neutrinos de haute énergie qui se frayaient un chemin à travers la planète depuis la direction de l’hémisphère nord. Ils ont également pu déterminer que ces neutrinos absorbés présentaient une énergie comprise entre de 6,3 et 980 téraélectronvolts (TeV). Pour mettre les choses en perspective, le plus que nous ayons réussi à produire avec des accélérateurs fabriqués par l’homme a été des neutrinos à environ 0,4 TeV.

« Nous espérions bien sûr que de nouvelles physiques apparaissent, mais nous constatons malheureusement que le modèle standard, comme d’habitude, résiste au test », note le physicien Francis Halzen, de l’Université du Wisconsin-Madison. Voyons le bon côté des choses. Cela pourrait conduire à une meilleure compréhension du cœur de notre planète. En dépit des croquis et autres interprétations artistiques décrites dans nos livres, il nous reste encore beaucoup de choses à découvrir sur ce qui se trame exactement sous nos pieds. Les neutrinos ont encore beaucoup de mystères à dévoiler sur l’Univers, y compris la raison de son existence même.

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