La zone tropicale s’étend vers les pôles depuis plusieurs décennies, la faute au changement climatique ?

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Crédits : Pixabay

Au cours de la dernière dizaine d’années, un corpus grandissant d’études a mis en évidence l’expansion de la zone tropicale vers les pôles depuis la fin des années 1970 au moins. Cette évolution correspond à ce que l’on est en droit d’attendre dans le contexte du changement climatique en cours. Toutefois, contrairement à ce qui avait été avancé initialement, la contribution de celui-ci ne serait pas prépondérante dans l’évolution observée jusqu’à présent.

Les modélisations climatiques indiquent que le réchauffement global induit par l’augmentation des rejets anthropiques de gaz à effet de serre (GES) s’accompagne d’un élargissement croissant de la ceinture tropicale. On entend par là une expansion vers le pôle des cellules de Hadley. Ces dernières sont de grandes boucles de circulations méridiennes. Elles sont constituées d’une ascendance pluvio-orageuse approximativement située près de l’équateur et d’une subsidence dans les subtropiques – autour de 30° N et 30° S – qui en marque la limite nord ou sud suivant l’hémisphère considéré. Contrairement aux ascendances, les mouvements descendants ne sont pas favorables aux précipitations, et s’associent par conséquent aux grandes zones désertiques de la planète dont on peut citer le désert Saharien ou Australien. Conceptuellement, le bord de ces cellules définit la limite entre la zone tropicale située du côté équatorial et la zone extratropicale située du côté polaire.

cellule de Hadley
Représentation schématique des cellules de Hadley telles que décrites dans le paragraphe, en moyenne annuelle. Crédits : Wikimedia Commons.

La confrontation entre les projections des modèles de climat et la réalité n’est pas une mince affaire, et nécessite la présence d’une observation satellitaire adaptée qui n’est apparue qu’au cours des années 1970. Ce dernier élément contraint l’analyse robuste des tendances à seulement quelques dizaines d’années. La grande diversité des métriques définies dans l’optique d’évaluer l’évolution de la largeur de la ceinture tropicale complique encore la tâche. Toutefois, les nombreuses études qui ont été menées au cours de la dernière décennie indiquent bien l’existence d’un élargissement des cellules de Hadley depuis 1979, plus important même qu’anticipé par les simulations climatiques. Au fil des années, celui-ci a cependant été réévalué à la baisse, mais restant dans la partie haute des projections. Actuellement, il est estimé à 0,5 degré de latitude par décennie à l’échelle globale, mais avec une forte variation suivant la saison et la zone géographique considérées.

Une étude de synthèse parue dans la revue Nature Climate Change le 30 août dernier indique que, contrairement à ce qui avait pu être avancé initialement, le forçage anthropique lié aux GES n’aurait pas un rôle prépondérant dans cette évolution. Il aurait en réalité un poids à peu près équivalent à celui de la variabilité climatique interne d’échelle multi-décennale. La détection du signal anthropique dans la tendance observée jusqu’à présent est donc une tâche ardue car il est « brouillé » par la variabilité interne naturelle, et par d’autres facteurs qui jouent également sur les cellules de Hadley. À ce titre, on peut par exemple mentionner le trou dans la couche d’ozone et les éruptions volcaniques. Les modélisations indiquent que le signal climatique forcé devrait seulement émerger clairement du bruit vers le milieu de ce siècle. Ces déductions permettent de combler par la même occasion une partie des divergences entre observations et modélisations.

Le suivi du comportement des cellules de Hadley est d’une grande importance, car des changements modérés de leur structure peuvent induire des modulations significatives dans les conditions climatiques en surface. Sur les continents, un élargissement ou une contraction peut aboutir à un décalage des grandes zones désertiques et des zones de moussons, avec des conséquences substantielles sur l’approvisionnement en eau, l’agriculture, les sécheresses* et inondations, la stabilité des écosystèmes ou celle des populations humaines concernées, etc. Sur les océans, une modification des grandes structures météorologiques s’accompagnerait d’un changement dans la salinité et la productivité biologique, ainsi que d’une modulation de la trajectoire des cyclones tropicaux.

* L’assèchement du bassin méditerranéen – déjà en cours et qui devrait s’accentuer – est par exemple une conséquence de cette évolution. 

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