À quel point la vie sociale des girafes est-elle complexe ?

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Les girafes sont les plus grandes créatures terrestres vivantes et des membres remarquables de la faune africaine. Elles ont longtemps été considérées comme des animaux solitaires. En réalité, cette espèce développe un haut degré de complexité sociale comparable à celui des éléphants ou des orques, selon une étude récente publiée dans Mammal Review.

Les girafes, de grandes incomprises

Bien qu’elles soient connues pour errer en troupeaux, on a longtemps pensé que les girafes n’avaient aucune structure sociale, en grande partie à cause de la fluidité quotidienne de la composition de leur groupe. Pour répondre à leurs besoins énergétiques, les girafes passent en effet une grande partie de la journée à se nourrir et à se déplacer entre les sites d’alimentation. Et au cours de ces déplacements, les girafes individuelles semblaient changer constamment d’alliance.

Notre vision a commencé à évoluer à partir des années 2000. À la faveur des appareils photo numériques, des progrès de la reconnaissance individuelle et autres approches plus sophistiquées de l’analyse des données, plusieurs études ont commencé à suggérer que le comportement social des girafes était en réalité plus complexe qu’on ne le pensait.

Si aujourd’hui les chercheurs s’accordent à penser que les modèles d’association entre girafes ne sont pas aléatoires, les mécanismes à l’origine de ces associations sont encore mal compris. Jusqu’à présent, nous manquions en effet d’études menées à long terme, et la plupart des recherches se sont concentrées sur des populations isolées évoluant dans des environnements différents et soumises à des pressions différentes.

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Une structure sociale très complexe

Aussi, jusqu’à présent, le comportement social des girafes est largement passé sous le radar scientifique. Dans le cadre d’une méta-analyse passant en revue les résultats de plus de 400 études, Zoe Muller, éthologue à l’Université de Bristol, et Stephen Harris, zoologiste de l’Université de Bristol, ont rassemblé un ensemble de données permettant une compréhension plus large de la nature sociale de ces ruminants.

D’après ces travaux, les girafes présenteraient de nombreuses caractéristiques typiques des mammifères développant des systèmes sociaux coopératifs complexes et des sociétés matrilinéaires. Si certaines girafes sont effectivement solitaires, en particulier les mâles, beaucoup d’entre elles s’associent également étroitement en petits groupes de trois à neuf individus. Les chercheurs soulignent de nombreux couples de femelles adultes apparentées, dont certaines ont été observées ensemble pendant six ans. Des couples mères-enfants peuvent également persister pendant au moins quinze ans.

« Cet article rassemble toutes les preuves suggérant que les girafes sont en fait une espèce sociale très complexe, avec des systèmes sociaux hautement fonctionnels, potentiellement comparables aux éléphants, aux cétacés et aux chimpanzés« , souligne Zoe Muller. « Ces sociétés complexes et très réussies ont probablement facilité leur survie dans des écosystèmes difficiles et remplis de prédateurs ».

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Au même rang que les éléphants

En outre, ces animaux passent environ un tiers de leur vie en tant qu’adultes post-reproductifs. Les femelles peuvent en effet vivre une trentaine d’années dans la nature, mais elles ne peuvent se reproduire que jusqu’à vingt ans maximum. Or, chez d’autres espèces, comme les éléphants, les orques ou les humains, les « grands-mères » jouent un rôle majeur en aidant à élever les prochaines générations.

Les chercheurs soupçonnent que c’est également le cas chez les girafes. Certains groupes observés pouvaient en effet impliquer jusqu’à trois générations d’individus apparentés, au sein desquels des adultes prennent soin des petits d’autres mères.

En revanche, ces conclusions devront encore être approfondies. Les auteurs soulignent en effet que des systèmes sociaux coopératifs complexes tels que présentés ici nécessitent des capacités de communication complexes. Or, les systèmes de communication de ces animaux sont encore mal compris.

En plus de satisfaire la curiosité scientifique, ces nouvelles connaissances seront également essentielles pour aider à la préservation de ces animaux, dont les populations sont en chute libre dans le plus grand silence (-40% depuis 1985). « Reconnaître que les girafes ont un système social coopératif complexe et vivent dans des sociétés matrilinéaires nous permettra de mieux comprendre leur écologie comportementale et leurs besoins de conservation« , concluent les chercheurs.