Le 4 juin 2018 s’est tenu à Paris une vente aux enchères pour un squelette de dinosaure. Celui-ci rejoindra une collection privée pour 2 019 680 euros. Le plus fou, c’est que son espèce n’a pas été déterminée avec certitude. Cette situation et ce résultat inquiètent la communauté scientifique, et plus particulièrement les paléontologues.
Une vente aux enchères qui soulève de nombreux problèmes
Malgré les protestations, la vente en elle-même est légale. Le spécimen a été trouvé en 2013 aux États-Unis sur un terrain privé. La loi du pays prévoit qu’un fossile appartient au propriétaire des terres, celui-ci a ensuite le droit d’en disposer ou de le sortir du pays.
Look at the sky ! A #dinosaur !
Still ONE day to D-DAY…
Tomorrow at 6pm (Paris time) we will offer at #auction this amazing unknown species of dino
Come visit us at the #EiffelTower #paleo #paris #paleontology #dinoaguttes @LaTourEiffel #jurassic #JurassicWorldFallenKingdom pic.twitter.com/dcAF1MKQsp— Aguttes (@Aguttes_) June 3, 2018
Les scientifiques sont inquiets des conséquences d’une telle vente. Le professeur David Polly, président de la « Society of Vertebrate Paleontology » et professeur à l’Université de l’Indiana déclare ceci : « une vente aux enchères est un moyen d’obtenir le prix le plus élevé possible pour quelque chose, avant d’ajouter que généralement même les grands musées n’ont pas les moyens de mettre autant d’argent dans de tels spécimens ». Historiquement parlant, il existe une exception. En 1997, le Musée d’histoire naturelle de Chicago a acheté un squelette de Tyrannosaure-Rex 8,4 millions de dollars.
Cependant, et pour reprendre les arguments du professeur Polly, il est vrai que les musées dépensent en moyenne 200 fois moins d’argent que ce que le propriétaire du fossile a déboursé. Les coûts dépensés par les musées comprennent la prise en charge des archéologues et de tout le processus de fouille archéologique, de la préparation à l’excavation des fossiles. Le tout est estimé en moyenne à 8 500 euros pour des fouilles importantes.
De plus, l’une des principales préoccupations des scientifiques est que les propriétaires de terres pourraient commencer à voir les fossiles comme du business. Ceux-ci chercheraient alors à vendre au plus offrant, sans se préoccuper de faire avancer la science. Le professeur confirme aussi cette théorie : « le propriétaire pourrait alors n’être qu’à la recherche de profits ».
SOLD 2 019 680 € (incl. tax) !!!
ADJUGÉ 2 019 680 € ttc @CAguttes !!! @LaTourEiffel #auctionupdate #auctionresult #aguttes #paleo #paleontology #dinoaguttes #instadino #jurassic #theropod #allosaurus pic.twitter.com/0QvNjC3ush— Aguttes (@Aguttes_) June 4, 2018
Cette vente provoque aussi une nouvelle peur au sein des musées : « si les gens commencent à penser que les squelettes valent des millions, les musées vont devoir augmenter la sécurité pour éviter de se faire cambrioler ».
Le professeur a co-écrit et envoyé une lettre de protestation signée par 2200 personnes à la maison de vente aux enchères parisienne pour annuler la vente. Le but de cette lettre est selon lui de sauvegarder l’accès des scientifiques aux fossiles et de ne pas les enfermer dans des collections privées.
Un procédé qui reste douteux
Selon le catalogue de la vente, l’espèce n’a pas été clairement définie à cause de détails sur le squelette. Cependant, le professeur américain Thomas Carr, paléontologue et professeur associé au Carthage College dans le Wisconsin n’y croit pas « Ils essaient juste de tirer les prix vers le haut », déclare-t-il. Ce dernier ajoute ensuite ne voir « aucune différence avec un Allosaure classique ». L’Allosaure est l’espèce la plus commune de théropode qui existe. Il s’agit d’un cousin du T-Rex et du Vélociraptor.
Le scientifique mesure ensuite ses propos : « Même s’il s’agit d’une espèce nouvelle, celle-ci n’a pas sa place dans un catalogue de vente aux enchères. Cette situation est déroutante et je ne vois aucun moyen de la justifier éthiquement parlant ».
Le magazine Live Science a essayé de contacter le professeur Godefroit, auteur de l’article dans le catalogue de la vente aux enchères, mais il n’a pas donné suite à la demande d’interview.
Ce cas est intéressant, car il confronte la science et les scientifiques à un nouveau problème et pose de nouvelles questions concernant l’organisation future des fouilles, la privatisation de collection de musées ou bien l’éthique de posséder des biens utiles à la Science.
Les propos des scientifiques ont été traduits, vous pouvez retrouver les originaux directement en cliquant sur la source.
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