La Terre pourrait basculer dans une configuration climatique beaucoup plus chaude même si l’objectif des 2 °C de l’accord de Paris était respecté

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Crédits : NASA

Une étude dirigée par un groupe international de scientifiques indique que même si l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre stipulé dans l’accord de Paris est atteint, la Terre pourrait basculer dans une configuration beaucoup plus chaude à cause de processus amplificateurs critiques qui se mettraient en route. Selon ces résultats, le seuil symbolique des 2°C est donc déjà une limite dangereuse pouvant causer une transition incontrôlable du système terrestre, qui empêcherait la stabilisation espérée.

Les résultats obtenus par l’équipe internationale de chercheurs suggèrent que même si les réductions des émissions de gaz à effet de serre (GES) prévues dans l’accord de Paris étaient respectées, la planète risquerait quand même de se diriger vers un état dangereux beaucoup plus chaud, dit « de serre ». En effet, la perturbation résultant de ces émissions de GES serait alors suffisante pour que le système climatique atteigne un point de bascule, à partir duquel des rétroactions critiques prennent le relais de nos émissions, empêchant celui-ci de se stabiliser comme attendu. Cette mécanique convergerait finalement vers des conditions climatiques radicalement différentes de celles connues jusqu’à présent par notre espèce. Ainsi, maintenir le réchauffement global sous la barre des 2°C s’annonce encore plus compliqué qu’anticipé.

À terme, le dépassement de ce point de bascule aboutirait à des températures d’au moins 4 à 5 degrés plus élevées qu’au début du XXe siècle – bien supérieures à celles de l’objectif de l’accord de Paris – et à des niveaux de la mer de 10 à 60 mètres plus élevés, ce qui aurait des conséquences catastrophiques. Selon l’étude, ce point critique se situerait autour des 2 degrés de réchauffement global par rapport à l’ère préindustrielle, ce qui suggère – comme mentionné plus haut – l’insuffisance de l’accord de Paris s’il était respecté, ce qui n’est déjà pas une mince affaire en soi. Au rythme de l’évolution actuelle, ce seuil pourrait même être atteint dans les prochaines décennies. « Les émissions humaines de gaz à effet de serre ne sont pas le seul facteur qui agit sur la température de la Terre. Notre étude suggère qu’un réchauffement planétaire anthropique de 2°C peut déclencher d’autres processus dans le système terrestre, souvent appelés rétroactions, qui peuvent entraîner un réchauffement supplémentaire, même si nous cessons d’émettre des gaz à effet de serre », a déclaré Will Steffen, auteur principal de l’étude.

Bien que des rétroactions existent déjà pour des changements globaux relativement faibles, les chercheurs ont identifié le seuil des 2 degrés comme un horizon autour duquel des rétroactions climatiques critiques commencent à se mettre en place. Ces dernières conduisent à des transitions abruptes et à une réorganisation profonde du système climatique. On citera par exemple le dégel massif du pergélisol, la déstabilisation des hydrates de méthane, la disparition de la banquise Arctique ou Antarctique et l’effondrement plus ou moins partiel des calottes polaires. Sont aussi évoqués la diminution des puits de carbone terrestre et océanique, l’effondrement de certaines forêts tropicales, ou plus généralement la reconfiguration des grands biomes, ou encore l’augmentation de la respiration bactérienne. Remarque importante : ces différents processus seraient interconnectés selon les chercheurs. «Ces éléments de bascule peuvent potentiellement prendre l’allure d’un effet domino. Une fois que l’un est poussé, il pousse la Terre vers un autre. Il peut être très difficile voire impossible d’empêcher toute la rangée de dominos de tomber. Certains lieux sur la planète deviendront inhabitables si une Terre « de serre » devient la réalité », précise Johan Rockström, co-auteur de l’étude.

Autrement dit, l’objectif des 2°C est déjà un horizon dangereux qui pourrait faire basculer la machine climatique dans un nouveau mode de fonctionnement et une nouvelle configuration, jugés dangereux pour nos sociétés, notre économie et notre environnement actuels. Ces nouveaux résultats soulignent ainsi l’urgence de réduire au plus vite les émissions de gaz à effet de serre et de créer ou d’améliorer en parallèle les techniques de stockage du carbone. On peut mentionner la préservation de la biodiversité, une meilleure gestion des forêts – limiter la déforestation par exemple -, de l’agriculture et des sols aussi bien que la mise au point de techniques qui capteraient directement le carbone dans l’air et le stockeraient sous terre. L’étude a été publiée ce 6 août dans la revue scientifique PNAS.

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