La surface de la calotte groenlandaise s’assombrit à un rythme inquiétant

Crédits : Extreme Ice Survey..

Alors que l’inlandsis groenlandais s’est réchauffé de près de 3 °C depuis 1982, son albédo a quant à lui diminué de façon continue. Ainsi, la glace réfléchit moins efficacement le rayonnement solaire, ce qui augmente d’autant plus la rapidité de son déclin. De récents travaux associent cet assombrissement à une propriété en apparence anecdotique : la forme des flocons de neige déposés sur la calotte.

L’albédo d’une surface désigne le rapport entre la quantité de lumière qui arrive sur cette surface et la fraction réfléchie. Plus il est élevé (proche de 1), plus le rayonnement réfléchi est important. Au contraire, un albédo proche de 0 indique que l’énergie est essentiellement absorbée par la surface. Pour ces raisons, on parle également de pouvoir réfléchissant.

À l’origine d’un albédo en déclin

Composée de glace et de neige, la calotte glaciaire du Groenland possède naturellement un albédo très élevé. De fait, une importante fraction de l’énergie solaire incidente est renvoyée vers l’espace, perpétuant les conditions froides qui maintiennent l’inlandsis en place. Toutefois, avec le changement climatique, on observe un assombrissement généralisé de la surface glaciaire.

Bien que toujours élevé, l’albédo décline, témoignant d’une absorption plus importante du rayonnement solaire en été. Résultat : la fonte s’accélère, ce qui rend la surface encore un peu plus sombre et diminue d’autant plus l’albédo de la calotte. C’est un véritable cercle vicieux. Toutefois, si les observations satellitaires ont démontré l’existence d’un assombrissement, la question de son moteur précis restait jusqu’à présent non résolue.

Dans une nouvelle étude, des chercheurs ont découvert que certaines parties du Groenland étaient devenues moins exposées aux chutes de neige. Or, comme la neige fraîche possède un pouvoir réfléchissant extrêmement élevé, cela signifie que ces zones s’assombrissent. « À mesure que la neige vieillit, même en quelques heures à quelques jours, vous obtenez cette réduction de réflectivité, c’est pourquoi la neige fraîche est si importante », note Erich Osterberg, coauteur du papier.

Groenland calotte
Tendance dans l’albédo (a), la taille des grains de neige (b), la température (c) et le rayonnement solaire incident (d) entre 1996 et 2017. Seuls les mois d’été (JJA) entrent en compte. Enfin, les marques noires localisent le parcours sur lequel les échantillons ont été prélevés et les mesures réalisées. Crédits : Gabriel Lewis et coll. 2021.

La granulométrie de la neige, un détail aux grandes conséquences

Les scientifiques notent que la réduction des précipitations s’explique par une augmentation des blocages anticycloniques dans la région depuis le milieu des années 1990. Le rail perturbé circule alors trop au nord ou trop au sud pour réellement concerner le Groenland. Par ailleurs, ces bulles de haute pression s’accompagnent d’un ciel dégagé, donc d’un ensoleillement élevé et d’une masse d’air anormalement doux en altitude.

« C’est comme une triple peine », avance Erich Osterberg. « Tout cela contribue à une fonte de plus en plus rapide du Groenland ». Et il n’est pas nécessaire de modifier l’albédo de beaucoup pour que les répercussions soient significatives. En effet, une diminution de seulement 1 % suffirait pour déstocker 25 milliards de tonnes de glace supplémentaires sur trois ans. Mais pourquoi l’or blanc récemment tombé a-t-il un pouvoir réfléchissant si différent de celui daté de quelques jours à peine ?

« La neige fraîche ressemble à ce que vous dessineriez dans une classe de maternelle ou découperiez dans un morceau de papier. Elle a tous ces points vraiment tranchants parce qu’il fait extrêmement froid dans l’atmosphère quand la neige tombe », détaille Gabriel Lewis, auteur principal. « Une fois qu’elle tombe et repose sur la surface de la calotte glaciaire au soleil, elle change de forme et les grains de neige deviennent plus gros avec le temps ».

Selon les données in situ, la diminution de l’albédo groenlandais serait donc essentiellement due à un changement dans la texture de la neige. On parle d’augmentation de la granulométrie, les flocons devenant plus gros et arrondis. Enfin, les observations montrent également qu’une augmentation éventuelle des poussières dans la glace ne peut être mise en cause. « Dans notre domaine de recherche, les impuretés ne semblent pas être suffisantes pour expliquer le changement d’albédo que d’autres équipes de recherche ont signalé », rapporte le coauteur.