Crédits : joshimerbin

La sonde Voyager 1 quittera le Soleil pour une autre étoile dans 40 000 ans (et ce ne sera pas sa dernière conquête !)

Quelque part dans l’immensité glacée de l’espace interstellaire, une petite sonde de 722 kilogrammes poursuit silencieusement son voyage vers l’éternité. Lancée il y a près de 50 ans, Voyager 1 continue de s’éloigner de nous à une vitesse vertigineuse de 61 000 kilomètres par heure. Mais ce que cette pionnière de l’exploration spatiale accomplira dans les millénaires à venir dépasse l’entendement : elle deviendra le premier objet créé par l’humanité à être plus proche d’une autre étoile que de notre propre Soleil. Cette perspective extraordinaire nous confronte à l’une des aventures les plus épiques jamais entreprises par notre espèce.

L’odyssée solitaire commence

Aujourd’hui, Voyager 1 dérive à plus de 168 unités astronomiques de la Terre, soit environ 25 milliards de kilomètres. Chaque signal que nous lui envoyons met désormais plus de 23 heures pour l’atteindre, témoignage saisissant de son éloignement progressif. Dans les années 2030, ses derniers instruments s’éteindront faute d’énergie, marquant officiellement la fin d’une mission qui aura duré plus d’un demi-siècle.

Mais pour Voyager, cette extinction ne sera qu’un nouveau commencement. Dépouillée de ses capacités de communication, la sonde entamera alors la phase la plus extraordinaire de son existence : un voyage de plusieurs millions d’années à travers notre galaxie, emportant avec elle les célèbres disques dorés contenant les sons, les images et les messages de l’humanité.

Sa première destination majeure sera le mystérieux nuage d’Oort, cette coquille sphérique d’objets glacés qui enveloppe notre système solaire à sa périphérie la plus lointaine.

Traverser les confins du système solaire

Le nuage d’Oort demeure l’une des régions les plus énigmatiques de notre voisinage cosmique. Théorisé en 1950 par l’astronome néerlandais Jan Oort, ce réservoir de comètes primitives s’étend potentiellement jusqu’à 100 000 unités astronomiques du Soleil, marquant la véritable frontière gravitationnelle de notre système stellaire.

Voyager atteindra sa limite intérieure dans environ 300 ans seulement, mais traverser entièrement cette région lui prendra près de 30 000 années. Pendant cette traversée millénaire, elle évoluera dans un environnement pratiquement vide, où les températures avoisinent le zéro absolu et où la lumière solaire ne représente plus qu’un point lumineux parmi d’autres.

Cette longue solitude prendra fin de façon spectaculaire lorsque la sonde entamera sa première véritable rencontre interstellaire.

Le rendez-vous avec Gliese 445

Dans exactement 40 000 ans, Voyager 1 réalisera un exploit sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Elle s’approchera de l’étoile Gliese 445 à une distance d’environ 1,7 année-lumière, devenant ainsi plus proche de cet astre lointain que de notre propre Soleil.

Gliese 445 est une étoile naine rouge d’un type très répandu dans notre galaxie. Actuellement située à 17 000 années-lumière de nous, elle se rapproche de notre région galactique et ne sera plus qu’à 3,5 années-lumière de la Terre au moment de ce rendez-vous cosmique historique.

Cette rencontre marquera symboliquement le passage de Voyager sous l’influence gravitationnelle dominante d’une autre étoile que le Soleil, transformant notre ambassadrice terrestre en véritable voyageuse interstellaire.

Voyager
Au centre de cette image se trouve l’étoile AC +79 3888, également connue sous le nom de Gliese 445, située à 17,6 années-lumière de la Terre. Crédits : Caltech/Palomar

Un avenir ponctué de rencontres stellaires

L’aventure ne s’arrêtera pas là. Les calculs astronomiques révèlent que Voyager rencontrera statistiquement une étoile tous les 50 000 ans environ, suivant un rythme similaire à celui de notre propre système solaire dans sa course galactique.

Sa prochaine rencontre significative aura lieu dans 303 000 ans, quand elle croisera l’étoile TYC 3135-52-1 à moins d’une année-lumière de distance. Ces rendez-vous cosmiques ponctueront son voyage pendant des millions d’années, chaque passage près d’un nouvel astre constituant un chapitre inédit de cette odyssée extraordinaire.

Les scientifiques estiment que les risques de collision avec des objets célestes restent infinitésimaux. Contrairement aux représentations dramatiques de la science-fiction, l’espace interstellaire est d’un vide presque parfait, garantissant à Voyager un voyage paisible pendant des éons.

L’héritage éternel de l’humanité

Cette perspective vertigineuse nous confronte à une réalité fascinante : bien après la disparition éventuelle de notre espèce, bien après l’extinction de notre Soleil dans cinq milliards d’années, Voyager 1 continuera de porter à travers la galaxie les traces de notre passage dans l’univers.

Ses disques dorés, conçus pour résister aux radiations cosmiques pendant des milliards d’années, constituent peut-être le plus durable des monuments que nous ayons jamais érigés. Dans l’immensité silencieuse du cosmos, notre petite sonde poursuit inlassablement sa mission d’ambassadrice, transformant l’exploration spatiale en une véritable quête d’immortalité collective.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.