La savane gagne du terrain en plein cœur de l’Amazonie, et ce n’est pas une bonne nouvelle

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Image d'illustration. Crédits : Wikimedia Commons.

De récents travaux font état d’une extension de la savane à l’intérieur même de l’emblématique forêt tropicale. Un déséquilibre inquiétant que les scientifiques relient à l’intensification des feux de forêts dans le contexte du changement climatique. Les résultats sont publiés en accès libre dans la revue scientifique Ecosystems.

La savane au profit de la forêt tropicale

La croissance des surfaces dédiées à l’agriculture et à l’élevage conduit à remplacer la forêt amazonienne par un paysage de type savane. Cette limite connue sous le nom d’arc de déforestation progresse rapidement et grignote chaque année du terrain par le sud-est de la forêt. Or, selon de récents travaux, la savane gagne également en surface en plein cœur de l’Amazonie, loin du domaine agricole et de toute action humaine.

C’est par exemple le cas dans la région environnant Manaus, près des rives du rio Negro au nord-ouest du Brésil. En effet, au cours des 40 dernières années, la savane a progressivement pris la place de la forêt tropicale. Les chercheurs qui ont identifié ces changements sur une zone d’environ 4100 km² les relient au réchauffement global.

Plus précisément, en favorisant des sécheresses et des incendies plus sévères, l’évolution climatique fragilise et ralentit la repousse des arbres forestiers. En particulier, ceux situés dans les plaines inondables comme on en retrouve un grand nombre à proximité du rio Negro. Résultat : ceux-ci ne repeuplent que très lentement les zones brûlées comparé aux herbacées et aux autres espèces indigènes qui occupent par conséquent une fraction croissante du terrain.

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Passage d’une forêt (gauche) à une savane (droite). Crédits : Bernardo M. Flores & al. 2021.

« Nous avons cartographié 40 ans d’incendies de forêt à l’aide d’images satellites et collecté des informations détaillées sur le terrain pour voir si les zones forestières brûlées changeaient » détaille Bernardo M. Flores, auteur principal de l’étude. « Lorsque nous avons analysé les diverses espèces d’arbres et les propriétés du sol à différentes époques du passé, nous avons constaté que les incendies de forêt avaient tué pratiquement tous les arbres, de sorte que la couche arable argileuse pouvait être érodée par les inondations annuelles et devenir de plus en plus sablonneuse ».

La menace d’une réorganisation écosystémique

Notons que la savane qui s’étend à l’intérieur de l’Amazonie n’est pas un paysage complètement nouveau puisqu’elle en fait initialement partie. Elle représente en effet quelque 10 % de l’écosystème non perturbé. Aussi, c’est bien le déséquilibre – autrement dit, le fait que la savane progresse – qui constitue un élément menaçant. Entre autres conséquences, si une telle permutation végétale devait se généraliser, elle entrainerait dans son sillage un déstockage notable de carbone sous forme de CO2 vers l’atmosphère.

« Nos recherches montrent que la surface de savane indigène est en expansion et pourrait continuer à s’étendre en Amazonie. Pas le long de l’arc de déforestation, où les herbes exotiques se répandent, mais dans les zones reculées du bassin où ces savanes existent déjà » rapporte Bernardo M. Flores. « Les forêts de plaines inondables sont le talon d’Achille de l’Amazonie » ajoute Milena Holmgren, coauteur du papier. « Nous avons des preuves de terrain que si le climat devient plus sec en Amazonie et que les incendies deviennent plus sévères et fréquents, les forêts de plaines inondables seront les premières à s’effondrer ».

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