La menace de la résistance aux antibiotiques est aussi grande que celle du changement climatique, selon l’éminente clinicienne Sally Davies. Une prise de conscience et des mesures urgentes doivent être prises.
La nature s’adapte constamment, et nous en faisons parfois les frais. La résistance aux antibiotiques en est un exemple. Un véritable problème qui inquiète de plus en plus les autorités sanitaires. Ces bactéries, qui s’adaptent aux traitements proposés, pourraient en effet tuer jusqu’à 10 millions de personnes par an d’ici 2050, soit quasiment autant que le cancer. En ce sens, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) qualifie la résistance aux antibiotiques comme « l’une des plus grandes menaces pour la santé mondiale et la sécurité alimentaire ». Et elle n’est pas la seule à le penser.
Une menace au moins aussi grave
« Ce serait bien que les militants en reconnaissent l’importance », a en effet récemment déclaré Sally Davis, la médecin la plus connue d’Angleterre. La chercheuse note que la lutte contre la résistance aux antibiotiques devrait être coordonnée au niveau mondial. Elle fait notamment un parallèle avec le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), le groupe de scientifiques créé dans les années 80 pour lutter contre le réchauffement planétaire. La menace, dit-elle, est tout aussi importante.
Le GIEC avertissait en effet il y a quelques mois du fait que nous pourrions atteindre le point de non-retour dans les 12 prochaines années si aucune mesure urgente n’est prise pour inverser la tendance. Pour Sally Davis, les conséquences de la résistance aux antibiotiques constituent au moins une menace aussi grave pour l’avenir de l’humanité. Le problème dit-elle, c’est que les efforts déployés pour y faire face ne sont pas du tout au même niveau. « Il n’y a pas d’appétit [chez les sociétés pharmaceutiques] pour développer de nouveaux médicaments, dit-elle. Il y a une défaillance systémique. Nous avons besoin de quelque chose de semblable au GIEC ».

Prioriser le bien public
Davies se dit notamment préoccupée par la sur-utilisation des antibiotiques dans les élevages intensifs, ou dans le domaine de la pisciculture. Un avis partagé par Haileyesus Getahun, directeur de l’IACG (Interagency Coordination Group on Antimicrobial Resistance). L’homme compare en effet la propagation de cette résistance à un « tsunami silencieux ». En d’autres termes, peu de gens en ont réellement conscience, car ils n’en voient pas encore les véritables effets. Mais à terme, les conséquences pourraient être catastrophiques.
Concernant les mesures à prendre d’urgence, les chercheurs appellent à une interdiction totale de l’utilisation des antibiotiques comme facteurs de croissance chez les animaux d’élevage. Ce n’est pas encore le cas dans certaines régions du monde. Les antibiotiques les plus puissants devraient être réservés « à un usage humain », peut-on lire. Il est également demandé aux sociétés pharmaceutiques de prioriser le bien public, plutôt que le profit. Car – qu’on se le dise – ce qui bénéficie le plus à la santé publique n’est pas forcément ce qui rapporte le plus.
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