Au centre d’observation de IceCube au pôle Sud où est installé le plus grand télescope à neutrinos au monde (un kilomètre cube), des scientifiques ont passé près d’une décennie à rechercher un hypothétique nouveau type de particules, connu sous le nom de neutrino stérile, qui s’ajouterait aux trois types de neutrinos déjà connus : électroniques, muoniques et tauiques.
Alors que les neutrinos interagissent seulement avec la matière par interaction faible et par gravité (ce qui est la raison pour laquelle nous ne les sentons et ne les voyons pas), les neutrinos stériles interagissent seulement par gravité, ce qui les rend encore plus difficiles à repérer, en supposant qu’ils existent bel et bien.
En effet, l’existence de ces neutrinos stériles est source de nombreux débats. Il existe actuellement trois types de neutrinos réguliers que nous connaissons et sommes certains de leurs existences, les neutrinos electron, muon, et tau. Étant neutres électriquement, les neutrinos n’interagissent avec la matière qu’à travers les spectres électromagnétiques tels que les ondes lumineuses et radios. Leur présence n’est détectable que dans des observatoires distants et hautement sensibles tels que IceCube, où le «bruit de fond» des autres particules est filtré.
Dans les années 1990, les recherches effectuées au Laboratoire national de Los Alamos ont permis de détecter des signaux étranges qui suggéreraient l’existence d’un quatrième type de neutrinos qui n’interagirait pas avec la matière, ou uniquement par gravité : d’où le nom de stérile. Depuis, d’autres signaux similaires ont été observés lors de multiples expériences à travers le monde.
Or, détecter ce neutrino serait une réelle révolution, non seulement dans la compréhension de la physique des particules, mais aussi parce que ce serait un candidat de premier plan dans la définition de la matière noire, substance mystérieuse qui compose une grande partie de la masse de notre univers et détectable qu’à partir de ses effets gravitationnels. Plus que cela, le neutrino stérile pourrait effectivement aider les scientifiques à comprendre la cause du déséquilibre entre matière et antimatière. Ce déséquilibre reste encore incompris, car le Big Bang qui a donné naissance à notre Univers devrait avoir créé des quantités égales de matière et d’antimatière, or, ce n’est pas le cas.
Le problème pour détecter ce quatrième et hypothétique neutrino est sa nature stérile qui le rend impossible à détecter. Mais il se pourrait que ces neutrinos interagissent avec les 3 autres types de neutrinos. En effet, les physiciens pensent que le neutrino stérile serait capable de se transformer en l’un des trois autres types, et vice versa. Donc, la seule façon de détecter un neutrino stérile serait d’observer directement une transformation de neutrino en neutrino stérile. Ainsi, observer la disparition d’un neutrino traditionnel pourrait suggérer l’existence de la quatrième version de la particule.
Ces analyses ont été effectuées en observant la création de neutrinos, engendrée par la collision entre les rayons cosmiques et les particules de la haute atmosphère. En effet, les neutrinos pleuvent de l’hémisphère nord, et traversent la Terre, qui agit comme un filtre géant tamisant toutes les autres particules, de sorte que seuls les neutrinos puissent atteindre les eaux gelées de l’observatoire IceCube, et ses capteurs enterrés sous la surface au pôle Sud. L’observatoire contient 5,160 capteurs de lumière qui sont suffisamment sensibles pour détecter les flashs lumineux bleus (effet Vavilov-Tcherenkov) libérés lors de la collision de neutrinos et de noyaux. L’équipe a étudié les événements se produisant dans une plage de 320 gigaélectronvolts (GeV) à 20 téraélectronvolts (TeV), qui définit le spectre d’énergie dans lequel l’apparition de neutrinos stériles produirait une signature très distinctive.
Malgré cela, les chercheurs de l’observatoire IceCube viennent d’annoncer que, après les 100 000 analyses et observations effectuées, il est presque certain que les neutrinos stériles n’existeraient pas. « Comme Elvis, les gens voient des traces de neutrino stérile partout » a déclaré l’un des principaux chercheurs de IceCube, Francis Halzen, de l’Université de Wisconsin-Madison. « Il y avait de nombreuses suppositions, et les théoriciens étaient convaincus qu’il existe. »
Il faudra donc certainement continuer d’envisager d’autres explications aux événements associés aux neutrinos stériles, de plus, nous sommes maintenant en mesure de détecter directement les ondes gravitationnelles, ce qui ouvre une nouvelle fenêtre de recherche sur l’univers, grâce à laquelle, nous pourrons continuer d’avancer dans la définition de la matière noire.
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