Depuis des décennies, les supernovae de type Ia fascinent les astronomes. Ces explosions stellaires violentes jouent un rôle crucial dans notre compréhension de l’univers, en particulier pour mesurer les distances cosmiques. Pourtant, le mécanisme exact de leur explosion restait en partie mystérieux. Aujourd’hui, une équipe d’astronomes vient de franchir une étape majeure en apportant la première preuve solide du phénomène dit de « double détonation » d’une supernova, un scénario longtemps théorique qui éclaire enfin ces cataclysmes cosmiques.
Qu’est-ce qu’une supernova de type Ia ?
Pour bien saisir l’enjeu de cette découverte, il faut comprendre la nature même d’une supernova de type Ia. Contrairement à des étoiles massives qui explosent en fin de vie, notre Soleil ne finira jamais en supernova : il n’a pas la masse suffisante. Après avoir épuisé son hydrogène, il deviendra une géante rouge puis se transformera en une naine blanche, une étoile compacte essentiellement constituée de carbone et d’oxygène.
Mais certaines naines blanches vivent en couple avec une étoile compagne, qui leur « donne » de la matière, généralement de l’hélium ou de l’hydrogène, par un processus d’accrétion. Si la naine blanche atteint une masse critique d’environ 1,4 fois celle du Soleil — appelée limite de Chandrasekhar — sa structure interne devient instable. Sous cette pression extrême, la naine blanche explose en une supernova d’une luminosité quasi standardisée, un événement qui peut briller autant que toute une galaxie pendant un temps.
Cette propriété de luminosité constante fait des supernovae de type Ia des outils essentiels pour mesurer les distances astronomiques et donc pour comprendre l’expansion de l’univers.
L’hypothèse de la double détonation
Mais toutes les supernovae de type Ia ne suivent pas ce scénario « classique ». Certains modèles ont proposé une variante plus complexe, baptisée double détonation. Selon cette hypothèse, la naine blanche accumule une couche d’hélium sur sa surface qui devient instable et explose en premier. Cette première explosion crée des ondes de choc qui traversent la naine blanche, déclenchant alors une seconde détonation à l’intérieur, qui détruit entièrement l’étoile.
Ce mécanisme est séduisant car il pourrait expliquer des supernovae qui explosent avant d’atteindre la limite de Chandrasekhar, ainsi qu’une diversité observée dans la luminosité ou les spectres des explosions. Cependant, jusqu’à récemment, il manquait des preuves observationnelles directes confirmant ce scénario.

ESO/P. Das et al. Étoiles de fond (Hubble) : K. Noll et al.
Une observation décisive grâce au VLT
C’est dans ce contexte que le Very Large Telescope (VLT) de l’Observatoire européen austral est venu éclairer le mystère. En observant le vestige d’une supernova vieille de plusieurs siècles, connue sous le nom de SNR 0509-67.5, les chercheurs ont détecté la présence de couches de calcium organisées en deux strates distinctes. Ces couches correspondent précisément aux prédictions du modèle de double détonation, où la première explosion d’hélium produit une couche externe riche en calcium, suivie par la seconde explosion qui libère une autre couche interne.
Cette détection constitue la première preuve tangible que la double détonation ne relève pas seulement de la théorie, mais se produit effectivement dans la nature. Priyam Das, doctorant à l’Université de Nouvelle-Galles du Sud, souligne à quel point ces résultats apportent une « indication claire que les naines blanches peuvent exploser bien avant d’atteindre la célèbre limite de masse de Chandrasekhar ».

ESO/P. Das et al.
Implications pour la cosmologie et la physique stellaire
Cette avancée va bien au-delà de la simple résolution d’un mystère stellaire. En effet, la précision des mesures cosmologiques repose sur la confiance que les supernovae de type Ia ont toutes une luminosité intrinsèque comparable, ou que l’on peut corriger leurs différences. Comprendre les mécanismes variés qui conduisent à ces explosions permet de mieux calibrer ces « chandelles standards », améliorant ainsi les estimations des distances dans l’univers.
Cela joue un rôle fondamental dans les études sur l’expansion cosmique, la nature de l’énergie noire et le devenir à long terme de notre cosmos. Une meilleure connaissance des supernovae améliore la fiabilité des données sur lesquelles repose toute la cosmologie moderne.
De plus, cette découverte éclaire la physique complexe des naines blanches et des réactions nucléaires explosives, avec des impacts sur la compréhension de la nucléosynthèse, c’est-à-dire la formation des éléments lourds dans l’univers.
Un pas de géant dans l’exploration des origines cosmiques
Les supernovae de type Ia sont donc bien plus que des spectacles lumineux. Elles sont des témoins précieux de l’histoire de l’univers, et comprendre leur nature est essentiel pour déchiffrer les secrets du cosmos. Grâce aux puissants instruments modernes comme le VLT, les astronomes franchissent peu à peu les barrières de l’invisible, dévoilant les mécanismes subtils et spectaculaires qui régissent la vie et la mort des étoiles.
Cette confirmation du scénario de double détonation marque une étape clé, ouvrant la voie à des recherches encore plus fines sur la diversité des explosions stellaires, et leur rôle dans la grande fresque cosmique.
Les détails de l’étude sont publiés dans la revue Nature Astronomy.
