La pratique visant à dire adieu par SMS à ses proches avant de mourir se démocratise

Crédits : niekverlaan / Pixabay

De plus en plus de récits relatant des faits tragiques mentionnent le téléphone comme étant le dernier moyen de contact entre les victimes et leurs proches. Particulièrement, le texto incarne une façon rapide et silencieuse de dire adieu à sa famille et ses amis.

Dans la nuit du dimanche 12 juin 2016, un homme de 29 ans a causé la mort de 50 personnes (53 blessés) au Pulse, un night-club gay situé dans la ville d’Orlando en Floride (États-Unis). Une des victimes, un jeune comptable d’une trentaine d’années nommé Eddie Jamoldroy Justice, avait conversé par SMS avec sa mère Mina :

Eddie: « Maman je t’aime » (2:06)

Eddie: « Ils tirent dans le club. »

Mina: « Ça va? »

Eddie: « Je suis coincé. » (2:07)

Mina: « Quel club »

Eddie: « Pulse. Dans le centre-ville. Appelle la police. »

Eddie: « Je vais mourir » (2:08)

Mina: « Je les appelle maintenant. »

Mina: « Tu es toujours dedans? »

Mina: « Réponds-moi bon sang »

Mina: « Appelle-les »

Mina: « Appelle-moi. »

Eddie: « Appelle-les maman » (2:39)

Eddie: « Maintenant. »

Mina: [est-ce qu’il y a des blessés?]

Eddie: « Beaucoup. Oui. » (2:42)

Mina: [Es-tu avec la police?]

Mina: « Envoie-moi un message s’il-te plaît »

Eddie: « Non » (2:46)

Eddie: « Je suis toujours dans les toilettes. Il nous tient. Il faut qu’ils viennent nous chercher. »

Mina: « La police est là dis-moi quand tu les vois » (2:49)

Eddie: « Dépêchez-vous » (2:49)

Eddie: « Il est dans les toilettes avec nous » (2:50)

Eddie: « Les toilettes des femmes » (2:50)

Mina: « Est-ce que l’homme est avec vous? »

Eddie: « Il est terrifiant »

Eddie: « Oui » (2:51)

Mina: « Es-tu blessé? »

Mina: « Reste là il n’aime pas les gays » (2:52)

Mina: « Envoie-moi un message s’il te plaît » (2:53)

Mina: « Je t’aime » (2:54)

Mina: « Ne fais rien »

Mina: « Reste par terre »

Mina: « Bébé réponds-moi »

—Conversation retranscrite par Slate.com

Selon le Washington Post, ce type d’échange lors de faits tragiques se répand. Les personnes étant persuadées de finir assassinées utilisent donc de plus en plus leur téléphone pour joindre leurs proches. A la fin de l’année 2015, une victime de la fusillade de San Bernardino ayant finalement survécu avait envoyé ce message : « Je vous aime les gars. Je me suis fait tirer dessus », accompagné d’une photo de son visage. Plusieurs mois auparavant, un Marine avait, avant d’être tué à Chattanooga (Tennessee), envoyé à sa petite amie les mots suivants : « tireur actif ».

Rescapée de l’attaque du Bataclan survenue le 13 novembre 2015, Marielle Timme avait confié à France 3 avoir également envoyé un texto : « Le premier message que j’ai envoyé c’était à mes parents : ‘Je vais mourir je vous aime.’ Ils pensaient que c’était parce que je m’éclatais au concert. »

Dans le passé, les victimes écrivaient un dernier message sur une feuille de papier ou sur un mur, mais désormais, le téléphone incarne le moyen le plus utilisé pour faire passer leurs derniers mots.

« Maintenant, dans nos poches, nous avons de petits appareils qui peuvent nous connecter rapidement et silencieusement à presque n’importe qui dans le monde. Dans un moment inimaginable, quand on réalise que notre prochain mouvement pourrait être le dernier, nous pouvons choisir de le passer à écrire un dernier appel à l’aide, un dernier message d’amour » peut-on lire dans l’article du Washington Post le 13 juin 2016.

Les textos sont donc un moyen rapide et plus pratique de prévenir ses proches lors d’une situation où la mort semble guetter. Ce genre d’initiative permet aux proches de ne pas apprendre la mauvaise nouvelle d’une manière trop impersonnelle, par un inconnu au téléphone ou devant la porte de leur domicile. Cependant, l’attente générée par une telle communication, souvent rompue prématurément, laisse les proches dans un climat d’angoisse et de peur causé par une incertitude trop forte.

Une enseignante en communication à l’université d’État du Texas (États-Unis) nommée Maureen Keeley, a écrit un ouvrage traitant du sujet, intitulé Final Conversations: Helping the Living and the Dying Talk to Each Other (« Dernières conversations: Aider les vivants et les mourants à se parler »). L’auteure explique pourquoi les victimes ont un urgent besoin de communiquer lorsqu’elles sentent la mort arriver, que ce soit pour parler de spiritualité, de foi, pour dire à quelqu’un qu’on l’aime ou encore pour mettre fin à un conflit avec une personne.

« Vous n’avez plus de contrôle à la fin, explique-t-elle au Washington Post. Mais maintenant nous avons ce petit espace de contrôle sur notre communication, pour savoir que l’on peut au moins dire ‘au revoir’, que l’on peut au moins dire ‘je t’aime' » déclare la spécialiste.

Sources : Washington Post – Slate