En seulement une décennie, la France a grandement réduit son stock de masques de protection. Voici une petite chronologie de ce qui pourrait s’apparenter à un véritable scandale d’État alors que l’épidémie de coronavirus Covid-19 frappe actuellement notre pays.
La France en pénurie de masques
Le 22 mars 2020, nous évoquions le groupe LVMH ayant l’intention d’offrir 10 millions de masques de protection en France. Le groupe Bouygues a également affirmé vouloir faire don d’un million de masques. Surtout, le gouvernement a annoncé une commande de 250 millions de masques qui seront livrés progressivement. Et pourtant, nos besoins seraient de 24 millions de masques par semaine !
Cependant, une question cruciale se pose : pourquoi notre pays s’est-il retrouvé en pénurie aussi vite ? Comme le rappelle France Inter, l’ancienne ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, s’était montrée rassurante à la fin du mois de janvier 2020. Selon elle, la France ne pourrait pas se trouver en situation de pénurie en cas d’épidémie de coronavirus Covid-19.
Et pourtant, le 4 mars 2020, le président Emmanuel Macron annonçait la réquisition de tous les stocks ainsi que la production de masques de protection. L’objectif ? Les distribuer aux patients infectés et aux personnels de santé. Deux semaines plus tard, le ministre de la santé Olivier Véran affirmait qu’il restait 110 millions de masques dans les stocks de l’État. Or, le fait est qu’il y en avait plus d’un milliard il y a encore une décennie.
De 2005 à 2011 : un stock conséquent
Tout commence en 2005 lorsqu’il s’agit de préparer la France au risque pandémique que représente la grippe aviaire H5N1. Face à ce risque, le premier ministre de l’époque, Xavier Bertrand, comprend l’intérêt de constituer un stock conséquent. L’intéressé se rend même dans des pays tels que la Chine et le Vietnam afin de comprendre comment se protègent les populations. Avec l’accord du président Jacques Chirac, le pays se dote d’un important stock et fait alors partie de ceux ayant le plus de masques par habitant au monde. Le fait est qu’à cette époque, la France captait un tiers de la production annuelle mondiale !
En 2009, la ministre de la Santé Roselyne Bachelot doit faire face à l’épidémie de grippe A (H1N1). À cette époque, notre pays détenait un milliard de masques chirurgicaux et 900 millions de masques de protection FFP2. Toutefois, la ministre a été victime d’un véritable bashing. L’intéressée avait été accusée d’avoir commandé trop de masques, mais aussi trop de doses de vaccin et de traitements antiviraux. Après la fin du second mandat de Xavier Bertrand en 2011, notre pays détenait encore 1,4 milliard de masques.
L’inexorable fonte du stock
S’en est suivi ce que l’on pourrait qualifier de désarmement progressif de l’État sanitaire via des coupes budgétaires. En réalité, le véritable tournant dans la gestion du stock d’État intervient en 2013. Le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) modifie la « doctrine de protection des travailleurs face aux maladies hautement pathogènes à transmission respiratoire ». Le masque FFP2 est considéré comme étant plus coûteux et moins confortable que les masques chirurgicaux.
Dans le même temps, l’équipement et la gestion des masques sont nouvellement placés sous la responsabilité des employeurs. Autrement dit, une partie de la gestion des masques est désormais du ressort du système hospitalier. En 2015, la situation est jugée catastrophique et le stock fond petit à petit : 900 millions en 2012, 700 millions en 2017. En 2016, la loi de modernisation du système de santé est peut-être ce qui a scellé le sort de la gestion des masques. Cette loi a ordonné le transfert des missions de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) vers l’organisme Santé publique France, nouvellement créé.
Or, si l’EPRUS était très efficace dans la gestion du stock stratégique, ce n’était absolument pas le cas de l’unité Établissement pharmaceutique de Santé publique France. Ainsi, l’État a été désarmé dans sa politique de prévention des risques, tout cela pour des raisons budgétaires.