Un des échantillons laissés au sol par Perseverance.

La NASA a peut-être trouvé des traces de vie sur Mars, mais un autre pays pourrait les rapporter en premier

Le 10 septembre dernier, l’équipe du rover Perseverance annonçait une découverte majeure : de possibles biosignatures dans une roche martienne du cratère Jezero. Ces minéraux intrigants pourraient témoigner d’une vie microbienne ancienne sur la planète rouge. Mais voilà le problème : pour le confirmer, ces échantillons doivent absolument être analysés sur Terre avec des équipements impossibles à embarquer sur un rover. Et tandis que la NASA accumule les retards et voit son budget amputé, la Chine avance méthodiquement vers un objectif qui semblait pourtant acquis aux Américains. La question n’est plus de savoir si nous rapporterons des morceaux de Mars, mais qui le fera en premier.

Une découverte qui change tout, bloquée à 225 millions de kilomètres

Les fragments de la roche baptisée « Chutes de Cheyava » ont fait bondir les scientifiques de la NASA. Les instruments de Perseverance y ont détecté des structures et des compositions chimiques compatibles avec une origine biologique. L’échantillon prélevé, surnommé « Sapphire Canyon », repose désormais dans un tube de la taille d’un cigare, soigneusement scellé.

Mais Perseverance ne peut aller plus loin. Déterminer si ces signatures proviennent réellement du métabolisme de micro-organismes ou d’un simple processus chimique abiotique nécessite des analyses que seuls les laboratoires terrestres peuvent effectuer. Microscopie électronique à haute résolution, spectrométrie de masse ultra-précise, datation isotopique… autant de technologies indisponibles sur Mars.

Le rover a fait son travail. Les échantillons sont là, stockés, attendant qu’on vienne les chercher. C’est précisément à ce moment que tout se complique.

Le naufrage de la mission Mars Sample Return

La NASA avait tout planifié. La mission MSR, Mars Sample Return, devait envoyer un atterrisseur récupérer les tubes collectés par Perseverance, les transférer dans une capsule, puis les propulser en orbite martienne où un vaisseau les capturerait pour le voyage retour vers la Terre.

Sur le papier, c’était magnifique. Dans la réalité budgétaire, c’est devenu un cauchemar. Les coûts ont explosé, les délais se sont étirés indéfiniment, et le projet accumule désormais les retards critiques. La situation s’est encore aggravée avec le projet de budget fédéral 2026 de l’administration Trump, qui prévoit des coupes drastiques dans les dépenses de la NASA. La MSR pourrait tout simplement être annulée.

Perseverance continue de rouler sur Mars, collectant patiemment des échantillons qui risquent de rester sur place pendant des décennies. À moins qu’un autre acteur ne change la donne.

Tianwen 3 : l’ambition chinoise en marche

Pendant que la NASA se débat avec ses contraintes budgétaires et politiques, la Chine programme méthodiquement sa mission Tianwen 3. Lancement prévu fin 2028, retour sur Terre en 2031. Si ce calendrier est respecté, Pékin deviendrait la première nation à rapporter des échantillons martiens, ravissant à Washington une première spatiale historique.

La mission chinoise prévoit de collecter environ 500 grammes de matériaux à l’aide d’une foreuse, d’une pelle et même d’un petit drone. Une approche technique différente de celle de la NASA, mais potentiellement tout aussi efficace.

La question stratégique devient alors fascinante : la Chine pourrait-elle cibler le cratère Jezero, exactement là où Perseverance a fait sa découverte, pour tenter de collecter des échantillons similaires ?

Jezero Perseverance
Crédit : NASA/JPL-Caltech
Le rover martien Perseverance de la NASA a utilisé sa caméra de navigation avant droite pour capturer cette première vue du bord du cratère Jezero le 10 décembre 2024.

Les contraintes techniques qui changent la donne

La réponse est non, et c’est une question de physique atmosphérique et de précision technologique.

Tianwen 3 doit atterrir entre 17 et 30 degrés de latitude nord. Le cratère Jezero, situé à 18 degrés nord, respecte cette contrainte. Mais l’altitude pose problème. Le plancher de Jezero se trouve à environ 2600 mètres sous le niveau théorique de la mer martienne. Or, la mission chinoise nécessite un site encore plus bas, à au moins 3000 mètres sous ce niveau de référence.

Pourquoi cette exigence ? L’atmosphère martienne, déjà ténue, est encore plus rare en altitude. Tianwen 3 a besoin de cette densité atmosphérique supplémentaire pour ralentir suffisamment lors de la descente et se poser en sécurité. La NASA a développé pendant des décennies des technologies d’atterrissage de précision permettant de viser des sites plus élevés et plus risqués. La Chine n’en est pas encore là.

L’autre limite concerne la précision d’atterrissage. Curiosity et Perseverance visaient des ellipses de 7 kilomètres sur 6. Tianwen 3, utilisant la même technologie que la mission Tianwen 1 qui a déposé le rover Zhurong en 2021, travaille avec une ellipse de 50 kilomètres sur 20. Impossible de cibler précisément une petite zone comme celle où repose Sapphire Canyon.

La stratégie du contournement

Incapable d’atteindre Jezero, la Chine pourrait néanmoins s’inspirer de la découverte de Perseverance pour affiner son choix de site. Des zones géologiquement similaires existent ailleurs sur Mars : anciennes formations argileuses, lits de rivières asséchés, terrains présentant les mêmes caractéristiques que celles où Sapphire Canyon a été trouvé.

Si ces sites contiennent effectivement des biosignatures comparables, la Chine pourrait ramener sur Terre des preuves de vie martienne avant même que la NASA n’ait résolu ses problèmes budgétaires et politiques.

La course est lancée. Et pour la première fois depuis longtemps dans l’exploration spatiale, les États-Unis ne sont plus certains de franchir la ligne d’arrivée en premier.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.