En 2020, alors que le monde était largement paralysé par la pandémie de COVID-19, la teneur de l’atmosphère en méthane a enregistré une croissance record. Une équipe de chercheurs a désormais fait la lumière sur ce phénomène pour le moins contre-intuitif. Les résultats ont été publiés dans la prestigieuse revue Nature ce 14 décembre.
Parmi les gaz à effet de serre émis dans l’atmosphère par les activités humaines, le méthane (CH4) est celui qui contribue le plus au changement climatique, derrière le dioxyde de carbone (CO2). En effet, près de 30 % du réchauffement observé depuis le début de l’ère industrielle est attribuable à la croissance de ce composé chimique.
Or, entre 2019 et 2020, la teneur de l’atmosphère en méthane a augmenté de 15,3 ppb (parties par milliard), portant la concentration totale à 1878,7 ppb. Cet incrément établissait ainsi un nouveau record de croissance, lequel fut toutefois battu l’année suivante. Comment expliquer ce record en pleine pandémie de COVID-19, alors même que l’économie mondiale fonctionnait au ralenti et que de nombreux polluants ont vu leur concentration chuter de façon drastique ?
Moins de pollution, mais un puits de méthane affaibli
Une équipe internationale de chercheurs a récemment fait la lumière sur cette observation contre-intuitive. La croissance record du méthane en 2020 a deux causes essentielles, dont la première est justement liée à la réduction de la pollution de l’air. Et pour cause, le puits de méthane, c’est-à-dire le mécanisme qui le retire de l’atmosphère, est principalement dû aux radicaux hydroxyles (OH) qui le transforment en eau (H2O) et en dioxyde de carbone (CO2).
Or, avec la baisse des émissions humaines de monoxyde de carbone et surtout d’oxydes d’azote (NOx) au moment des confinements, l’atmosphère est devenue moins oxydante, ce qui a réduit le puits de méthane, permettant ainsi une plus grande accumulation. Concrètement, la baignoire atmosphérique se vidait moins bien. Les chercheurs ont montré que la baisse de pollution enregistrée en 2020 a fait chuter la production d’OH de 1,6 % par rapport à 2019.
Or, il s’agit plutôt d’une mauvaise nouvelle, car elle signifie qu’à mesure que nous diminuerons les rejets de CO2 et d’autres polluants, nous favoriserons la croissance du méthane dans l’atmosphère toutes choses égales par ailleurs. « Si le monde veut relever le défi de maintenir le réchauffement en dessous de 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle, nous devrons agir encore plus rapidement et encore plus fortement pour réduire les émissions de méthane », rapporte à ce titre Philippe Ciais, coauteur de l’étude.
Une hausse des émissions issues des zones humides
La seconde cause permettant d’expliquer la croissance record du méthane tient à des conditions anormalement chaudes et humides au-dessus des marécages et autres tourbières situés dans l’hémisphère Nord. Le flux naturel de CH4 qui s’en échappe a par conséquent augmenté. « Nos résultats impliquent que les émissions de méthane des zones humides sont sensibles à un climat plus chaud et plus humide et pourraient jouer le rôle d’un mécanisme de rétroaction positive à l’avenir », indique l’étude dans son résumé.
En somme, en dépit de la baisse des émissions par l’industrie et l’agriculture durant la pandémie, ces facteurs ont conduit à une élévation sans précédent de la teneur de l’atmosphère en méthane.