La fusée SLS vaut-elle vraiment le « coût » ?

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Crédits : NASA/Joel Kowsky

L’énorme fusée SLS, le nouveau lanceur lourd de la NASA, fera son vol inaugural dans quelques jours (on l’espère) dans le cadre de la mission Artemis 1. D’autres véhicules sont également en préparation aux États-Unis. Cependant, la facture, déjà salée, ne cesse de l’alourdir, alors qu’un vaisseau interplanétaire plus intéressant et moins onéreux est en train de voir le jour.

La SLS devait décoller ce lundi 29 août pour viser la Lune dans le cadre de la première mission du programme Artemis. Les contrôleurs ont finalement annulé le tir en raison d’un problème technique important lié au moteur RS_25 n°3. Une seconde opportunité de lancement sera ouverte ce vendredi 2 septembre, mais la météo s’annonce déjà compliquée.

Ces nouveaux couacs ne sont que les derniers en date. Et la SLS est dans les papiers depuis déjà un bon moment.

La NASA a en effet commencé à développer son lanceur en 2011 après l’annulation de son programme lunaire Constellation. À l’époque, le développement de la fusée avait été budgétisé à dix milliards de dollars, avec un premier voyage prévu fin 2016. Cependant, les coûts de développement, problèmes budgétaires, changements de conception et autres obstacles politiques ont retardé le premier lancement de la fusée à 2017, 2018, 2019, 2020, 2021 et, finalement, à 2022.

Entre temps, le monde du spatial n’a cessé d’évoluer et d’autres acteurs se sont illustrés. On pense notamment à l’émergence de missions commerciales de fret et d’équipages commerciaux vers l’ISS, à l’introduction de fusées réutilisables par SpaceX et à une accumulation exponentielle de nouvelles sociétés spatiales privées.

On pense également au Starship de SpaceX.

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Crédits : NASA

Un énorme potentiel

Il y a six ans, Elon Musk, le fondateur et PDG de SpaceX, a en effet révélé les premiers croquis de son futur système de transport dans l’espace lointain : un énorme combo fusée-vaisseau spatial entièrement réutilisable.

Jusqu’à présent, seule une poignée de prototypes ont décollé, aucun d’entre eux n’ayant effectué de vols d’essai orbitaux. Cependant, un premier vol orbital est bel et bien prévu avant la fin de cette année. En cas de succès, SpaceX aura amené son véhicule de la planche à dessin jusque dans l’espace en beaucoup moins de temps qu’il n’en a fallu à la NASA pour faire de même avec le SLS.

À terme, l’objectif de SpaceX sera de construire une flotte entière de vaisseaux. Chacun d’entre eux pourra être lancé pour moins d’un million de dollars chacun.

La NASA voit un potentiel considérable dans le Starship. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’agence a jeté son dévolu sur SpaceX pour débarquer ses futurs astronautes sur la Lune dans le cadre de la mission Artemis 3. Ce premier atterrissage lunaire depuis la fin de l’ère Apollo aura lieu en 2025 ou 2026.

Sur le papier, le Starship sera capable de transporter des astronautes vers la Lune depuis la Terre, et de les ramener ensuite. Cependant, la NASA compte bien s’appuyer malgré tout sur sa fusée SLS et sa capsule Orion pour ses futures missions lunaires. Concrètement, une fusée SLS lancera une capsule vers la Lune. Une fois en orbite, les astronautes intégreront le Starship pour se poser sur la Lune. Le Starship décollera ensuite pour les ramener vers la capsule, puis les astronautes rentreront sur Terre.

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Un vaisseau Starship monté sur son lanceur. Crédits : Trevor Mahlman

Le facteur politique

Compte tenu du potentiel de ce vaisseau, nous pourrions nous demander pourquoi la NASA ne veut pas lâcher son énorme fusée SLS au profit du seul Starship. Un rapport du Bureau de l’inspecteur général de la NASA publié en novembre 2021 avait en effet révélé le coût de chaque lancement du SLS. Selon le rapport, la NASA finira par dépenser un total de 93 milliards de dollars pour le programme Artemis entre 2012 et 2025, et chaque lancement SLS/Orion aura un prix d’environ 4,1 milliards de dollars.

En outre, les délais de construction d’une pile SLS/Orion complète placent la fusée de la NASA sur une cadence de lancement d’environ une fois tous les deux ans.

Cependant, il est utile de rappeler que le développement de la SLS aura engagé (et continuera d’engager) de nombreux partenaires différents aux États-Unis et dans le monde. Une partie des 93 milliards de dollars du programme Artemis est donc distribuée à ces entreprises et à leurs milliers de salariés. Or, maintenir ces emplois dans l’industrie aérospatiale est devenu une priorité annuelle pour de nombreux membres du Congrès américain dans l’espoir de renforcer leur position politique auprès des électeurs.

C’est principalement cela qui permet à la SLS et au programme Artemis de rester dans le coup. Qu’on se le dise, la SLS ne va pas disparaître de si tôt. D’ailleurs, les lanceurs pour les missions Artemis 2 à 4 sont déjà en cours d’assemblage.