La fonte de l’Arctique ne rend pas le courant-jet plus sinueux, souligne une nouvelle étude

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Crédits : earth.nullschool.

Dans la lignée de précédents travaux, une nouvelle étude remet en cause l’hypothèse selon laquelle le réchauffement accéléré de l’Arctique force le courant-jet à onduler plus fortement. Aussi, les auteurs soulignent l’importance de travailler une meilleure interprétation des observations. Le papier a été publié dans la revue Science Advances ce 19 février.

Le changement climatique dû aux émissions anthropiques de gaz à effet de serre (GES) est bien compris dans sa dimension thermodynamique. Cette dernière comprend tous les aspects directement liés au principe chauffant des GES. Sans être exhaustifs, citons l’aggravation des extrêmes chauds, la diminution des extrêmes froids, l’intensification des épisodes de fortes précipitations, le risque accru de sécheresse ou encore le recul de la cryosphère.

Toutefois, la compréhension se complique lorsque l’on considère les influences plus indirectes. Par exemple, l’évolution éventuelle des modes de circulation atmosphérique dans un monde plus chaud. En effet, outre l’importante variabilité propre aux mouvements de l’air, l’absence de lien clair avec le réchauffement ne permet pas de se saisir facilement de cette problématique. Et si de nombreux travaux se sont penchés sur le sujet, les conclusions ont souvent été contradictoires.

Du réchauffement de l’Arctique aux ondulations du courant-jet

Depuis les années 1990, l’Arctique s’est réchauffé à un rythme 2 à 3 fois plus rapide que le reste du globe. On parle d’amplification arctique. Ce réchauffement différentiel induit une diminution du contraste thermique entre l’équateur et le pôle, du moins près de la surface. Une tendance qui a coïncidé avec l’apparition d’un flux d’ouest (courant-jet) plus sinueux sur une période d’environ 20 ans (1995-2015).

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Anomalie de température de surface sur la période 2014-2018 par rapport à la normale 1951-1980. Notez le réchauffement maximal dans la zone polaire nord. On parle couramment d’amplification arctique pour désigner cette structure. Aussi, on devine un déficit dans le nord-atlantique. Signe d’un potentiel reflux du Gulf Stream vers le sud. Crédits : NASA / Kathryn Mersmann.

Suite à des études observationnelles, des chercheurs ont alors avancé l’hypothèse que le réchauffement de l’Arctique avait forcé un régime de circulation plus méridien. Une hypothèse qui concerne essentiellement la saison froide (entre octobre et mars). Nombre de phénomènes météorologiques extrêmes associés à des configurations sinueuses ont ainsi été liés de façon causale au réchauffement accéléré de l’Arctique. Parmi d’autres, on peut évoquer les vigoureuses vagues de froid de l’hiver 2013-2014 en Amérique du Nord.

L’importance d’une bonne interprétation des observations

Bien que l’hypothèse connaisse un certain succès médiatique, la communauté scientifique reste très divisée sur le sujet. Dans une nouvelle étude parue le 19 février 2019, des chercheurs ont montré qu’en considérant une période temporelle suffisamment longue (40 ans), il n’apparaît aucune évidence d’un courant-jet plus ondulant. Un résultat cohérent avec ce que laissent attendre les projections issues des modèles climatiques. En effet, ceux-ci ne prévoient aucun changement significatif voire même une légère baisse.

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Tendances dans la température de surface (A-C) et dans la sinuosité du courant-jet (B-D) entre 1979 et 2018. Les panneaux du haut correspondent à l’automne (OND) et ceux du bas à l’hiver (JFM). Plus précisément, on n’observe aucune hausse significative de sinuosité. Localement, on devine même une légère baisse. Crédits : Russell Blackport & al. 2020.

De plus, si les auteurs trouvent bien un lien entre un gradient latitudinal réduit et une circulation plus ondulante aux échelles inter-annuelle à décennale, cela ne saurait s’interpréter comme une réponse forcée à l’amplification arctique. « L’idée très médiatisée que le réchauffement de l’Arctique conduit à un courant-jet plus ondulant ne résiste tout simplement pas à l’examen » indique James A. Screen, co-auteur du papier. « Avec le bénéfice de dix années de données supplémentaires et de modèles, nous ne trouvons aucune preuve de changements à long terme des ondulations malgré le réchauffement continu de l’Arctique ».

Les travaux sur cette thématique se poursuivent activement. Le prochain rapport du GIEC devrait fournir un état des lieux précieux quant à notre compréhension dans ce domaine. Et donc, orienter les recherches futures en mettant en exergue les points de désaccords essentiels.

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