La cocaïne responsable du déclin des anguilles ?

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Crédits : Wikimedia Commons / David Perez

Les anguilles sont vulnérables aux traces de cocaïne dans l’eau, en particulier durant leurs premières années, révèle une étude. Elles ne pourraient alors plus migrer pour se reproduire, un véritable problème pour une espèce déjà grandement menacée.

L’anguille européenne passe sa vie dans les cours d’eau à travers l’Europe, migrant vers l’océan pour se reproduire et ensuite mourir. Les jeunes retournent alors de l’océan vers l’intérieur des terres, répétant le cycle. Au cours des dernières décennies, leur nombre a en revanche considérablement diminué en raison d’une combinaison de facteurs tels que la pollution toxique, la surpêche, les parasites, les changements climatiques et les barrages hydroélectriques. Dernièrement, il est apparu que la cocaïne et ses métabolites pouvaient également poser problème.

Une étude menée en 2009 avait déjà révélé que les niveaux de cocaïne dans les rivières et les stations d’épuration belges se situaient entre à entre <1 et 753 nanogrammes par litre, et que les niveaux de benzoylecgonine – son métabolite – étaient situés à entre <1 à 2258 ng/L. Une étude de 2012 révéla ensuite que l’exposition des anguilles européennes à 20 ng/L de cocaïne pendant un mois laissait des traces dans leurs tissus corporels, ce qui, selon les chercheurs, pourrait avoir un effet sur leur physiologie et contribuer à leur déclin. Une nouvelle étude menée par des scientifiques de l’Université de Naples Federico II (Italie) démontre aujourd’hui que c’est effectivement le cas.

« Les données montrent une grande présence de drogues illicites et de leurs métabolites dans les eaux de surface à travers le monde », explique Anna Capaldo, biologiste à l’Université de Naples Federico II et principale auteure de l’étude. Elle ajoute que l’eau près des villes densément peuplées est encore pire, certaines recherches montrant des concentrations particulièrement élevées dans la Tamise, près du Palais de Westminster de Londres, et dans la rivière italienne Amo près de la tour de Pise.

La biologiste Anna Capaldo et son équipe ont exposé des anguilles à de très faibles quantités de cocaïne – à peu près la même que celles retrouvées dans certaines rivières. Ils ont alors trouvé que les anguilles semblaient hyperactives, mais présentaient la même santé générale que les anguilles sans drogue. Mais leurs corps ont raconté une histoire différente. Il semblerait en effet que la drogue s’accumule dans le cerveau, les muscles, les branchies, la peau et d’autres tissus des anguilles. Les hormones qui régulent leur physiologie ont également changé. Ces problèmes ont par ailleurs persisté après une période de réadaptation forcée de 10 jours.

Autre fait particulièrement inquiétant : la cocaïne augmente les niveaux de cortisol, une hormone de stress qui induit une consommation de graisse. Le problème, c’est que les anguilles européennes doivent accumuler de la graisse avant de migrer. Des niveaux plus élevés de cortisol pourraient donc retarder cette migration et chambouler tout un cycle de vie. La chercheuse note que les niveaux accrus de dopamine pourraient également empêcher les poissons d’atteindre la maturité sexuelle. « La reproduction des anguilles pourrait être compromise », dit-elle.

Pour Emma Rosi de l’Institut Cary des études sur les écosystèmes (États-Unis), qui n’a pas participé à la récente étude, les drogues illicites comme la cocaïne ne sont qu’une partie du problème. Ces eaux contiennent également des résidus d’autres drogues illicites, des métaux lourds, des antibiotiques et des pesticides. « Nous ne connaissons pas les conséquences possibles de telles combinaisons de substances, mais elles pourraient clairement influencer la survie et/ou l’état de santé des anguilles », dit-elle, ajoutant que d’autres espèces pourraient également en pâtir.

Vous retrouverez tous les détails de cette étude dans la revue Science of the Total Environment.

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