L’intelligence artificielle (IA) révolutionne déjà notre quotidien, de la médecine à l’industrie, mais son impact dans le domaine militaire est en train de franchir un cap inédit. Une équipe chinoise dirigée par le professeur Fu Yanfang, de l’Université technologique de Xi’an, a mis au point un système d’IA capable de générer automatiquement des milliers de scénarios de combat simulés, réduisant drastiquement le temps nécessaire à la planification militaire. Cette innovation, incarnée par le modèle de langage étendu appelé DeepSeek, pourrait transformer les stratégies de guerre et bouleverser l’équilibre mondial.
DeepSeek : un commandant de bataille numérique ultra-rapide
Traditionnellement, l’élaboration de plans militaires repose sur des experts humains qui passent des heures, voire des jours, à imaginer et à simuler différentes situations sur le champ de bataille. Ces processus sont non seulement longs mais aussi limités par la capacité cognitive et le temps disponible des analystes.
DeepSeek change la donne : capable de reconstruire 10 000 scénarios potentiels en seulement 48 secondes, ce système d’intelligence artificielle fait ce qu’il faudrait environ 48 heures aux commandants humains pour réaliser. Cette accélération prodigieuse permet non seulement de gagner un temps précieux, mais aussi d’explorer un éventail beaucoup plus large de possibilités, offrant un aperçu inédit sur les dynamiques complexes du combat.
Une transition majeure dans la formation militaire
L’adoption de DeepSeek illustre une évolution profonde dans la manière dont les armées s’entraînent et planifient leurs opérations. Plutôt que de suivre des scénarios rigides basés sur des règles fixes, cette nouvelle génération de systèmes utilise un agent intelligent capable d’apprendre, de s’adapter et de simuler des interactions complexes entre forces amies et ennemies.
Selon le professeur Fu, ce type de système offre un « environnement numérique » où il est possible de tester des stratégies futures dans des conditions réalistes. Grâce à l’analyse de vastes ensembles de données et à la reconnaissance de modèles, DeepSeek construit une « carte de connaissances » détaillée du champ de bataille, lui permettant de décomposer et de recréer des situations de combat particulièrement compliquées.

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Crédits : Andrey Kulagin/IstockUne course mondiale à l’IA militaire
La Chine n’est pas la seule à investir dans cette nouvelle frontière technologique. Aux États-Unis, le ministère de la Défense a également lancé plusieurs initiatives similaires pour renforcer ses capacités.
Par exemple, la plateforme « Thunderforge », développée en partenariat avec Scale AI, Microsoft et Google, vise à accélérer la prise de décision et la planification stratégique au niveau des théâtres d’opération. Thunderforge traite d’énormes quantités d’informations en temps réel et facilite les jeux de guerre pilotés par l’IA, permettant ainsi aux commandants d’anticiper et de répondre rapidement à des menaces en constante évolution.
L’armée américaine intègre également l’IA dans ses opérations à travers le programme Joint All-Domain Command and Control (JADC2), qui connecte les capteurs de toutes ses forces armées dans un réseau unifié, alimenté par l’intelligence artificielle. Ce système améliore le partage de données en temps réel, augmentant la rapidité et la précision de la prise de décision.
Autres acteurs et innovations internationales
Outre les États-Unis et la Chine, d’autres pays développent aussi des applications militaires basées sur l’IA.
Israël utilise par exemple un système nommé « Habsora » ou « L’Évangile », capable de générer jusqu’à 100 cibles de bombardement par jour à Gaza — un rythme bien plus rapide que celui des analystes humains.
En Europe, la Commission européenne pousse pour un réarmement intelligent, axé sur des technologies modernes comme les drones autonomes, la guerre électronique, et l’intelligence artificielle. Une start-up allemande, Helsing, travaille notamment sur des drones sous-marins autonomes destinés à la surveillance maritime prolongée.
De son côté, l’OTAN explore des logiciels capables de traiter de vastes volumes de données pour anticiper les conflits jusqu’à six mois à l’avance. La société estonienne SensusQ a mis au point un système qui analyse des informations provenant de multiples sources pour prévoir les mouvements et les menaces futures, apportant ainsi un avantage stratégique crucial.
Enjeux éthiques et réglementaires
Cette course à l’armement numérique soulève toutefois des questions éthiques majeures. L’utilisation croissante de l’IA dans les opérations militaires fait craindre des dérives, notamment en matière d’autonomie des armes, de responsabilité en cas d’erreur, ou encore de risques d’escalade incontrôlée des conflits.
Le 12 mai 2025, les Nations Unies ont débattu de la nécessité de réguler les armes alimentées par l’intelligence artificielle. Malgré ces discussions, aucun cadre international strict n’a encore été adopté, les grandes puissances comme les États-Unis, la Russie, la Chine ou l’Inde privilégiant souvent des régulations nationales à des normes globales.
Aux États-Unis, une proposition politique visant à encadrer l’utilisation militaire responsable de l’IA cherche à définir des lignes directrices éthiques. L’Australie, de son côté, analyse les risques juridiques et éthiques liés à l’IA militaire pour élaborer des plans de gestion adaptés.
Une transformation profonde de la guerre moderne
En résumé, l’essor des systèmes d’intelligence artificielle comme DeepSeek illustre une mutation majeure dans la manière de concevoir, planifier et mener les conflits armés. Ces outils permettent non seulement de gagner en rapidité et en précision, mais aussi d’élargir considérablement le champ des possibles stratégiques.
Si cette révolution technologique promet d’optimiser les capacités militaires, elle impose également de repenser les cadres éthiques et réglementaires pour éviter des dérives potentiellement dramatiques.
La guerre du futur s’écrit aujourd’hui en langage machine, et DeepSeek en est un précurseur impressionnant. La question n’est plus de savoir si l’IA transformera les batailles, mais comment les sociétés géreront cette nouvelle réalité.