Alors que le monde cherche désespérément des alternatives au charbon et au gaz pour produire une énergie décarbonée, la Chine vient peut-être de faire un grand pas vers un avenir plus propre. Pour la première fois, des chercheurs chinois ont réussi à réapprovisionner un réacteur nucléaire expérimental sans l’arrêter, une prouesse technologique jamais vue jusqu’ici.
Ce réacteur n’est pas comme les autres : il fonctionne au thorium liquide, un combustible longtemps ignoré, mais qui pourrait bien devenir la clé d’une nouvelle ère énergétique.
Un réacteur qui ne s’éteint (presque) jamais
Ce type de réacteur expérimental, appelé réacteur à sels fondus, dissout le combustible nucléaire dans un mélange de sels liquides. Ce fluide chauffe, produit de l’énergie, puis se refroidit naturellement en cas de problème. Contrairement aux réacteurs classiques à uranium, il ne peut pas fondre, car… il est déjà en fusion.
Et surtout, grâce à cette technologie, les scientifiques chinois ont réussi à ajouter du combustible sans éteindre le réacteur, un exploit qui pourrait rendre l’approvisionnement continu et l’exploitation beaucoup plus souple et durable.
Le thorium, le « carburant oublié » du nucléaire
Mais pourquoi utiliser du thorium plutôt que de l’uranium ? Ce métal rare mais trois fois plus abondant est une alternative prometteuse : il génère moins de déchets radioactifs, il est moins dangereux en cas de fuite, et surtout, il ne peut pas être utilisé pour fabriquer des armes nucléaires, contrairement au plutonium produit dans les réacteurs classiques.
Autre avantage : les déchets issus des réacteurs à uranium traditionnels peuvent être « recyclés » dans un réacteur au thorium. De quoi réduire l’héritage radioactif des générations précédentes.
Pourquoi personne n’a fait ça avant ?
Ce n’est pas une idée nouvelle. Les États-Unis avaient déjà exploré cette piste dans les années 1950. Mais à l’époque, la priorité n’était pas l’écologie ni la sécurité : l’uranium permettait aussi de produire du plutonium pour les bombes nucléaires. Le thorium a donc été mis au placard.
Mais les documents de recherche ont été rendus publics, et la Chine a patiemment repris le flambeau. Selon le responsable du projet, le Dr Xu Hongjie, c’est une question de stratégie sur le long terme : « Il faut se concentrer sur une seule chose pendant 20 ou 30 ans ».

Une centrale cachée dans le désert
Le réacteur est hébergé dans une installation secrète en plein désert de Gobi, près de la frontière mongole. Mis en service en 2024, il peut produire jusqu’à 2 mégawatts d’électricité, soit de quoi alimenter environ 2 000 foyers — un chiffre modeste, mais énorme pour un prototype aussi innovant.
Surtout, c’est une preuve de concept : si ça fonctionne à petite échelle, on peut rêver de versions plus grandes, capables d’alimenter des villes entières.
Une ambition climatique claire
Ce projet s’inscrit dans l’objectif plus vaste de la Chine : atteindre la neutralité carbone d’ici 2060. Le pays, qui représente à lui seul 27 % des émissions mondiales, cherche donc des solutions massives et durables pour verdir sa production énergétique.
Et le thorium tombe à pic : selon une étude géologique récente, la Chine disposerait de réserves suffisantes pour 60 000 ans de production énergétique. Rien que ça.
Le retour des réacteurs à sels fondus
Les réacteurs à sels fondus ne sont pas nouveaux. Ils ont été initialement conçus par les militaires américains pour alimenter des avions supersoniques à propulsion nucléaire — un projet abandonné, faute de pouvoir contrôler la corrosion extrême causée par les sels fondus.
Mais grâce à des décennies de recherche, les scientifiques chinois ont visiblement trouvé des solutions aux problèmes de matériaux, de température, et de régulation.
Une avancée, mais pas sans zones d’ombre
Le projet reste expérimental et très opaque. On ignore encore les détails techniques précis, les matériaux utilisés, ou les performances réelles sur le long terme. Les risques liés au stockage des sels radioactifs usagés et aux opérations de maintenance en continu devront aussi être analysés.
Mais sur le papier, cette technologie coche beaucoup de cases : propre, sûre, durable, scalable, et politiquement acceptable.
Vers un futur nucléaire 2.0 ?
Ce réacteur pourrait bien marquer le retour du nucléaire dans la transition écologique, après des années d’opposition et de défiance. Et surtout, il montre que la patience scientifique paie, même sur les pistes abandonnées.
Le thorium est là depuis le début. Il fallait juste lui laisser une seconde chance.