L’Amazonie menace de devenir une source nette de CO2 d’ici une quinzaine d’annĂ©es

Amazonie forĂªt
Crédits : Wikimedia Commons.

Une Ă©tude majeure parue dans la revue Nature indique que l’Amazonie risque de devenir une source nette de carbone pour l’atmosphère d’ici une quinzaine d’annĂ©es. En cause, la fragilisation grandissante de l’Ă©cosystème par la dĂ©forestation et le changement climatique. Une perspective inquiĂ©tante qui signerait la disparition d’un important puits de carbone, lequel absorbait jusqu’alors une partie notable de nos Ă©missions de CO2. 

Les gaz à effet de serre rejetés en quantité par les activités humaines engendrent un réchauffement global de la planète. En particulier, le dioxyde de carbone (CO2) dont la concentration a déjà augmenté de 50 % par rapport à l’ère préindustrielle. Toutefois, seule une moitié du CO2 émis se stocke effectivement dans l’atmosphère. L’autre moitié est absorbée par l’océan et la végétation. On parle à ce titre de puits de carbone. Aussi, le réchauffement serait bien plus brutal sans leur présence.

Toutefois, ces puits ne sont pas des acquis. Au contraire, ils Ă©voluent en fonction des changements environnementaux. Et l’on sait que dans un monde plus chaud, ils tendent Ă  devenir moins efficaces. Une rĂ©troaction qui amplifie le rĂ©chauffement global puisque le CO2 s’accumule plus facilement dans l’atmosphère. La dĂ©forestation et le pĂ¢turage aggravent encore ce diagnostic en altĂ©rant directement le puits continental.

CO2 carbone
Évolution de la concentration atmosphĂ©rique en CO2 entre 1957 et 2020 au Mauna Loa (HawaĂ¯). CrĂ©dits : NOAA.

ForĂªts tropicales : une absorption de carbone de moins en moins efficace

De nouveaux travaux portĂ©s sur la capture de CO2 par les forĂªts tropicales primaires montrent que cette perte d’efficacitĂ© est dĂ©jĂ  largement en marche. En Ă©tudiant plus de 560 parcelles situĂ©es en Amazonie et en Afrique Ă©quatoriale, des chercheurs ont pu mesurer de façon prĂ©cise l’évolution de la capacitĂ© Ă  stocker du carbone. Le programme s’est articulĂ© sur 30 ans, pĂ©riode durant laquelle plus de 300 000 arbres ont Ă©tĂ© surveillĂ©s. Ce travail sans prĂ©cĂ©dent signe la collaboration internationale de près de 100 instituts, dirigĂ©e par l’universitĂ© de Leeds (Royaume-uni).

Les donnĂ©es rĂ©coltĂ©es montrent sans ambiguĂ¯tĂ© que le puits de carbone que constituent les forĂªts tropicales primaires a culminĂ© dans les annĂ©es 1990. 17 % du CO2 Ă©mis Ă©tait alors capturĂ©. Au cours de la dĂ©cennie 2010, il a chutĂ© Ă  un tiers avec une capture de seulement 6 %. Cette tendance traduit surtout celle de la forĂªt amazonienne. En effet, du cĂ´tĂ© africain, les scientifiques ont observĂ© une dĂ©rive plus rĂ©cente et donc encore assez limitĂ©e. Il existe ainsi une forte asymĂ©trie entre les deux systèmes forestiers, tĂ©moignant d’une sensibilitĂ© diffĂ©renciĂ©e.

Amazonie incendies
Incendies en Amazonie en 2019. Crédits : Victor Moriyama / Greepeace

« Le dioxyde de carbone supplĂ©mentaire stimule la croissance des arbres, mais chaque annĂ©e, cet effet est de plus en plus contrĂ© par les impacts nĂ©gatifs des tempĂ©ratures plus Ă©levĂ©es et des sĂ©cheresses qui ralentissent la croissance et peuvent tuer les arbres » explique Wannes Hubau, auteur principal de l’étude parue dans Nature ce 4 mars. « Notre modĂ©lisation de ces facteurs montre un dĂ©clin futur du puits africain (d’environ 15 Ă  20 %) et un puits amazonien qui continuera de s’affaiblir rapidement, lequel devrait devenir une source de carbone au milieu des annĂ©es 2030 ».

Amazonie : un « point de bascule » potentiel

Autrement dit, un des rĂ©gulateurs majeurs du climat global est sur le point de lĂ¢cher, devenant lui-mĂªme acteur des changements. Une conclusion cohĂ©rente avec de prĂ©cĂ©dents travaux. Et l’on peut s’attendre Ă  ce que d’autres forĂªts tropicales suivent le mĂªme chemin. Une perspective inquiĂ©tante qu’il faudra confronter Ă  celle des latitudes plus Ă©levĂ©es. En effet, ces dernières empruntent plutĂ´t une route inverse en raison d’un allongement de la saison de croissance.

Dans tous les cas, ces Ă©volutions ne sont pas de bon augure. En effet, le risque de dĂ©pĂ©rissement massif de certaines forĂªts constitue l’un des points de bascule qui pourraient rendre le changement climatique difficilement contrĂ´lable. Or, plus le climat se rĂ©chauffe et plus nous risquons de passer ces horizons. Les rĂ©sultats prĂ©sentĂ©s dans cet article nous le rappellent. « Nous devons rĂ©duire les Ă©missions de combustibles fossiles avant que le cycle mondial du carbone commence Ă  jouer contre nous. Le temps de l’action c’est maintenant » ajoute Simon Lewis, co-auteur du papier.

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