Les lions mangeurs d’hommes du Tsavo tuaient-ils par plaisir ?

À la fin du XIXe siècle, un couple de lions aurait fait plus de 130 victimes parmi des ouvriers travaillant sur la construction d’une ligne de chemin de fer. Une étude suggère que les lions mangeurs d’hommes tuaient des humains plus par plaisir que par nécessité.

Nous sommes en 1898 au moment où les autorités coloniales britanniques désirent mettre en place une ligne de chemin de fer entre leurs colonies se trouvant dans l’Est africain. Des travailleurs hindous sont alors envoyés au Kenya au début de l’année, mais ces derniers rencontrent un obstacle naturel : la rivière Tsavo nécessitant la construction d’un pont qui ne sera achevé que 9 ans après !

Des travailleurs ont commencé à être massacrés par des lions présents dans la zone, ces derniers n’hésitant pas à attaquer directement les tentes situées dans le camp. John Patterson, colonel de l’armée impériale et responsable de l’expédition, a été contraint de chasser ces fameux lions face au début de désertion des ouvriers apeurés. Au nombre de deux, les lions étaient particulièrement rusés, mais le colonel a pu les abattre l’un après l’autre en fin d’année 1898 à une vingtaine de jours d’intervalle.

Si John Patterson affirme que les deux lions ont dévoré ensemble 135 personnes, la Ugandan Railway Company donnait un total de 28 personnes seulement. Selon une étude parue en 2009, le nombre de victimes avancé par la compagnie de chemin de fer serait le plus proche de la réalité après l’analyse des poils et du reste des squelettes des deux fauves. Ceci implique donc que John Patterson aurait voulu gonfler sa réputation en avançant un nombre fictif.

Une nouvelle étude parue dans la revue Scientific Reports le 19 avril 2017 et menée par Larisa DeSantis de l’université Vanderbilt de Nashville (USA) permet d’en savoir plus sur cette histoire.

« Apparemment, la chasse à l’homme n’était pas un acte ultime de survie de la part des lions : elle leur simplifiait juste la vie. Les informations dont nous disposons montrent que ces lions tueurs d’hommes ne mangeaient pas entièrement les corps des animaux et des hommes qu’ils capturaient.

Les hommes servaient visiblement de complément agréable à leur régime alimentaire déjà diversifié. En outre, les données anthropologiques indiquent qu’à Tsavo, les lions n’étaient pas les seuls à manger des hommes : les léopards et autres grands félins s’en nourrissaient également » explique la scientifique dans un communiqué de l’université Vanderbilt.

La théorie la plus ancienne explique que l’attaque des hommes par les lions aurait été la conséquence d’une réduction de la population d’animaux herbivores dans la région due à des épisodes de peste et d’incendies divers. Les chercheurs pensaient donc que les lions attaquaient les hommes pour se nourrir. Cependant, Larisa DeSantis et son équipe travaillent au démontage de cette théorie depuis plus d’une décennie.

Il s’avère que l’émail des dents (et crocs) de n’importe quel animal comporte une sorte de dessin sur lequel figurent des rayures et fissures microscopiques. Ainsi, la taille et la répartition de ces formes témoignent de la nature de la nourriture consommée par l’animal en question. Concernant les lions, dans le cas où ces derniers avaient souffert de la faim, nul doute que leurs crocs auraient comporté des traces d’os rongés que les fauves auraient pu logiquement avaler, poussés par la disette.

Les chercheurs ont donc comparé l’émail des crocs des lions du Tsavo avec celui du lion cannibale ayant fait un carnage en Zambie en 1991. Les fameuses traces pouvant prouver la détresse des lions n’ont pas été retrouvées. Ceci implique donc que s’il y a eu des attaques au Tsavo, c’est parce que les lions ont agi par plaisir. En effet, les hommes sont nombreux et peuvent être capturés bien plus facilement que du gros gibier, en somme avec moins d’efforts.

Le colonel John Patterson avait à l’époque remarqué que les lions avaient de sérieux problèmes de dents, ce qui avait été confirmé par l’étude de 2009. L’intéressé estimait que pour tuer un homme, le fauve n’avait pas besoin de trancher l’artère du cou comme il est nécessaire de le faire pour les grosses proies. Selon lui, le lion de Zambie avait le même souci.

Voici le trailer du film L’Ombre et la Proie (1996) racontant l’histoire des lions du Tsavo :

Sources : La D̩p̻che РSputnik