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Le James Webb Telescope se prépare pour le Cycle 2 de ses observations. Voici à quoi s’attendre

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La même région de formation d'étoiles de la nébuleuse Carina, vue après la traduction des données infrarouges en longueurs d'onde visibles. Les étoiles brillantes ont de grands pics de diffraction, un artefact d'être imagé par Webb. Crédits : NASA, ESA, ASC et STScI

Le James Webb Telescope nous a régalés au cours de sa première année de fonctionnement. En plus de prendre les images les plus détaillées et les plus époustouflantes jamais réalisées d’objets célestes emblématiques, l’observatoire a tourné ses optiques infrarouges sur Mars et Jupiter, obtenu des spectres directement à partir de l’atmosphère d’une exoplanète, bloqué la lumière d’une étoile pour révéler le disque de débris qui l’entoure, et bien plus encore. Que nous réserve la suite ?

C’est parti pour le Cycle 2

Le Space Telescope Science Institute (STScI) est une organisation basée à Baltimore, dans le Maryland (États-Unis), chargée de la gestion scientifique et opérationnelle de Hubble et du James Webb Space Telescope. Les représentants de ce comité ont récemment sélectionné les prochaines missions retenues pour la seconde année d’exploitation de ce dernier (Cycle 2). Les propositions bénéficiant d’un temps d’observation ont été sélectionnées par le Comité d’allocation des télescopes (TAC) qui s’est réuni en avril 2023. Les propositions les plus importantes ont également été examinées par le Comité exécutif de l’organisation qui s’est quant à lui réuni virtuellement du 17 au 20 avril.

Notez que les plus grandes propositions peuvent bénéficier de plus de 75 heures d’observation. Les plus petites propositions évaluées ont reçu une quinzaine d’heures chacune, tandis que les propositions jugées « moyennes » ont reçu de 35 à 75 heures.

Exoplanètes

L’une de ces études concernera l’analyse d’exoplanètes en orbite autour de petites étoiles naines rouges. Ces objets, qui représentent environ 75% de toutes les étoiles de la Voie lactée, sont sujets aux éruptions, ce qui soulève des questions sur leur capacité à long terme à retenir les atmosphères. Pour résoudre ce mystère, le Dr Shubham Kanodia de la Carnegie Institution de Washington et son équipe bénéficieront de 132,39 heures pour caractériser les atmosphères de planètes rocheuses géantes autour de ces étoiles.

Le professeur Bjorn Benneke et son équipe, de l’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (iREx) de l’Université de Montréal, ont également obtenu un temps d’observation (82 heures) pour identifier sans ambiguïté les mondes aquatiques et caractériser leurs compositions atmosphériques.

L’existence de ces mondes a des implications importantes pour les théories de la formation des planètes. Par ailleurs, avec des compositions dominées par des composés volatils autres que le couple Hydrogène / Hélium, ils représentent également un nouveau régime de chimie atmosphérique qui est jusqu’à présent resté inexploré.

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Crédits : Elen11/istock

Anciennes galaxies

L’un des principaux objectifs du James Webb Telescope sera également d’enquêter sur l’époque de réionisation au cours de laquelle l’hydrogène neutre a imprégné le milieu intergalactique, rendant l’univers transparent. Cette ère est considérée comme la « frontière finale » des relevés cosmologiques, car l’extrême décalage vers le rouge et la présence d’hydrogène neutre rendent impossible l’étude de cette période en lumière visible.

La seule façon de détecter la lumière de cette période est donc de l’observer dans l’infrarouge. Une équipe dirigée par le Kapetyn Astronomical Institute avait récemment utilisé les données de l’instrument MIRI du James Webb Telescope Webb pour finalement confirmer la première détection de galaxies datant d’avant cette époque. Au cours du cycle 2, les astronomes entendent repousser encore plus loin les limites.

Une équipe dirigée par Hakim Atek, de l’Institut d’Astrophysique de Paris, compte notamment observer des galaxies de faible masse ayant évolué quelques centaines de millions d’années après le Big Bang dans le but d’étudier les mécanismes régissant la formation des galaxies, tels que l’accrétion de gaz, la formation d’étoiles et la rétroaction ultérieure inhibant la formation d’étoiles.

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Le Quintette de Stephan vu par Hubble. La galaxie sans interaction est celle du bas. Crédits : NASA, ESA et l’équipe Hubble SM4 ERO

Système solaire

Le temps d’observation générale sera également consacré à l’étude des objets de notre arrière-cour. Par exemple, le professeur Tom Stallard, de l’Université de Northumbria, a bénéficié d’un peu plus d’une vingtaine d’heures pour étudier la haute atmosphère de Jupiter afin d’en savoir plus sur la perte atmosphérique des géantes gazeuses. Comprendre comment les planètes perdent leur atmosphère dans l’espace au fil du temps en raison des vents stellaires (et d’autres facteurs) est en effet essentiel pour caractériser les exoplanètes et comprendre la portée de l’habitabilité dans l’univers.

Un autre programme, inspiré par la détection d’Oumuamua et de 2I/Borisov, appelle quant à lui à une étude détaillée et à la caractérisation des objets interstellaires qui traverseront notre système solaire dans un futur proche. Ce programme, dirigé par l’astronome Karen Meech de l’Université d’Hawaï, passera 17,4 heures à utiliser l’instrument NIRSpec pour obtenir des spectres de plusieurs de ces objets.

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Jupiter en fausses couleurs vue par James Webb Telescope. Crédits : NASA, Agence Spatiale Européenne, équipe Jupiter Early Release Science/ Ricardo Hueso/Judy Schmidt

Trous noirs et quasars

Enfin, le temps d’observation du James Webb Telescope sera également consacré à l’étude des trous noirs supermassifs et des noyaux galactiques actifs (quasars) qui en résultent. Ces études détermineront le rôle que jouent ces objets dans l’évolution galactique. Le Dr Joseph Hora et son équipe du Smithsonian Astrophysical Observatory comptent notamment tirer parti de la haute résolution angulaire du James Webb Telescope pour caractériser les émissions de Sgr A*, le trou noir supermassif de notre galaxie.

Une autre équipe, dirigée par le Dr Yoshiki Matsuoka de l’Université d’Ehime, a quant à elle bénéficié de 23 heures pour observer la croissance de ces objets pendant l’ère de la réionisation. Ces observations seront essentielles pour dater leur première apparition, pour déterminer le temps qu’il leur a fallu pour atteindre des millions de masses solaires, mais également pour évaluer la manière dont ils ont affecté l’évolution de leur galaxie hôte au fil du temps.

Notez que ce ne sont ici que des exemples. Les chercheurs ont retenu beaucoup d’autres programmes.