Depuis deux décennies, le Projet ITER avance avec détermination vers la concrétisation d’une prouesse scientifique sans précédent : la réalisation d’une fusion nucléaire contrôlée comme source d’énergie. Basé dans le sud de la France, ITER a récemment franchi une étape majeure avec la livraison des dix-neuf bobines toroïdales massives, un événement marquant dans l’histoire du projet.
Introduction à ITER
L’International Thermonuclear Experimental Reactor (ITER) incarne une entreprise mondiale ambitieuse qui implique 35 nations. Son objectif majeur est de construire un tokamak, un réacteur de fusion nucléaire en forme de beignet, pour étudier la viabilité de la fusion comme future source d’énergie. Contrairement à la fission nucléaire qui implique la division des noyaux lourds pour libérer de l’énergie, la fusion nucléaire fusionne des noyaux légers, libérant ainsi une quantité massive d’énergie tout en produisant peu de déchets radioactifs.
Le fonctionnement du tokamak repose sur la création et la manipulation d’un plasma, un gaz de particules chargées électriquement à très haute température. Dans ITER, cela se produit dans une chambre de forme toroïdale où des gaz combustibles tels que l’hydrogène sont chauffés à des températures extrêmement élevées, atteignant jusqu’à 150 millions de degrés Celsius. Les atomes d’hydrogène se trouvent alors dans un état de plasma où les électrons sont dissociés des noyaux, créant ainsi un gaz ionisé.
Pour maintenir ce plasma à haute température et l’empêcher de toucher les parois du réacteur, ITER utilise un ensemble complexe d’aimants superconducteurs. Ces aimants toroïdaux, dix-neuf au total, entourent la chambre du tokamak et génèrent un champ magnétique intense. Ce dernier piège le plasma, le garde loin des parois du réacteur et le maintient stable, ce qui permet ainsi de prolonger la durée des réactions de fusion.
Ces bobines toroïdales sont également refroidies à une température extrêmement basse, environ -269 degrés Celsius, juste au-dessus du zéro absolu, pour atteindre un état de supraconductivité. Les bobines peuvent alors générer des champs magnétiques puissants sans résistance électrique, ce qui minimise les pertes d’énergie et maximise l’efficacité du réacteur.
Les avancées dans la construction et les perspectives
Après deux décennies de conception, de production, de fabrication et d’assemblage sur trois continents, le projet historique et multinational d’énergie de fusion ITER célèbre aujourd’hui l’achèvement et la livraison de ses dix-neuf bobines de champ toroïdal massives depuis le Japon et l’Europe.
Chacune de ces structures, qui mesurent environ dix-sept mètres de haut pour neuf mètres de large, se compose de niobium-étain et de niobium-titane. Toutes ces bobines fonctionneront ensemble comme un seul aimant : l’aimant le plus puissant jamais fabriqué. Ce dernier sera en effet capable de générer une énergie magnétique totale de 41 gigajoules, ce qui est 250 000 fois plus puissant que celui de la Terre.
La fabrication des bobines de champ toroïdal
La fabrication de ces bobines fut évidemment complexe et minutieuse. Elle a débuté par la production de plus de 87 000 kilomètres de fil niobium-étain dans plusieurs pays, dont la Chine, l’Europe, le Japon, la Corée, la Russie et les États-Unis. Le processus de fabrication a débuté par l’assemblage des brins de niobium-étain avec des brins de cuivre dans une configuration en forme de corde, puis ces assemblages ont été insérés dans des gaines en acier. Ces gaines comprenaient un canal central conçu pour le passage d’hélium liquide qui est essentiel pour maintenir les bobines à des températures très basses.
Le fil ainsi préparé, appelé « conducteur », a ensuite été expédié vers des installations au Japon et en Europe pour la phase de fabrication principale. Cette étape impliquait le pliage du conducteur sur une trajectoire en double spirale et son traitement thermique à haute température (650 degrés Celsius). Chaque segment de conducteur a été inséré avec précision dans une « plaque radiale » en acier inoxydable conçue pour maintenir sa forme et garantir une isolation correcte.
Pour renforcer la structure, le conducteur a par ailleurs été enveloppé avec du ruban de verre et du Kapton, et des plaques de recouvrement ont été soudées au laser pour former une « double crêpe ». De la résine a ensuite été injectée dans cette structure complexe pour éliminer les poches d’air potentielles et renforcer la solidité globale. Chaque double crêpe a été assemblée avec six autres pour former un « pack d’enroulement » qui constitue le cœur de chaque bobine de champ toroïdal. Chaque étape du processus, y compris l’isolation, le traitement thermique et l’injection de résine, a été réalisée avec une précision extrême pour assurer la continuité électrique et la robustesse de l’aimant final.
Enfin, ces packs d’enroulement ont été insérés dans des boîtiers massifs en acier inoxydable, chacun pesant environ 200 tonnes. Ils ont été conçus pour résister aux forces extrêmes générées lors du fonctionnement du tokamak d’ITER.
Ce processus complexe et méticuleux, réalisé sur plusieurs continents avec une collaboration internationale intense, témoigne de l’ingénierie de pointe nécessaire pour construire les composants essentiels du réacteur de fusion nucléaire le plus avancé au monde.