Italie : le « petit mur de la honte »

Crédits : Maxp76 / Wikipedia

Les murs incarnant des fractures socio-spatiales ne sont pas seulement présents dans des pays comme Israël, le Sahara Occidental ou encore aux États-Unis (frontière avec le Mexique). La municipalité de Padoue en Italie a enfermé en 2006 la Via Anelli, un quartier dit sensible qui abritait une population issue de l’immigration. Un mur voulu par une partie de la population locale, mais contesté par d’autres et dénoncé par Amnesty International sur fond de combat politique local.

Le mur de Padoue, une fausse solution

Padoue est une ville italienne de 215 000 habitants située en Vénétie, dans une région de la plaine du Pô à 40 kilomètres de Venise. Les étrangers en situation régulière constituent 10 % de la population de la ville. Il Muro (Le Mur) de la Via Anelli a été décidé par le maire de la ville Flavio Zanonato du Partito Democratico (Parti social-démocrate) avec l’appui du parti communiste PRC (Partito della Rifondazione Comunista).

« Un régime mafieux s’était instauré. Les dealers s’échappaient et se réfugiaient dans les maisons des riverains. Nous sommes intervenus après une bagarre à la hachette entre bandes tunisienne et nigériane » selon Daniela Ruffini, adjointe communiste au maire affectée aux politiques de l’accueil et de l’immigration.

La construction du mur débute en aout 2006 lorsque la colère d’une partie des Padouans se fit entendre à propos de leurs voisins issus de l’immigration. Bruit, trafics de drogue et bagarres entre clans sont à l’origine de cette indignation. Depuis, les immigrés qui peuplaient les six immeubles de la Via Anelli (en attente d’être détruits) ont été déplacés. Le mur est quant à lui resté avec ses tags et ses 3m de haut par 80 de large. Les familles en situation régulière ont été relogées dans d’autres quartiers de la ville et les dealers se sont éparpillés.

Des habitants relogés, mais…

« Au moindre problème, des comités de quartiers se créent. Des citoyens exaspérés demandent des barrières, des grillages, des séparations. Pour se protéger des trafiquants de drogue et des prostituées. Ou simplement des étrangers. Le plus souvent, la division reste symbolique : une petite clôture ou un parapet. Mais on cherche à marquer le terrain, dans les rues, autour des magasins, voire des établissements scolaires » selon certains responsables associatifs.

Ainsi, la municipalité de Padoue aurait répondu favorablement à l’appel de la « Lega Nord per l’indipendenza della Padania » (la Ligue du Nord d’Umberto Bossi). Ce parti politique régionaliste prône l’indépendance de la Padanie. Cette dernière est une dénomination géographique alternative utilisée pour décrire la Val Padana, partie continentale et septentrionale de l’Italie recouvrant en grande partie la Plaine du Pô.

« Les immigrés sont les bienvenus quand ils travaillent, mais ne doivent pas avoir une vie à l’extérieur de l’usine » dénonce le secteur associatif.

Le maire de la ville Flavio Zanonato regrette que « le patient travail de relogement des familles d’immigrés de la Via Anelli, engagé avant même la construction du mur, ait été en partie occulté par l’initiative spectaculaire d’août 2006 », et atteste que le mur était devenu une attraction. Le maire, favorable au droit du sol et au vote des étrangers aux élections locales avait entrepris plusieurs actions pour l’intégration des immigrés telles que la création de mosquées et le financement de cuisines populaires, entre autres.

Des initiatives que la Ligue du Nord a tenté de décrédibiliser en jouant sur un régionalisme extrêmement agressif teinté de xénophobie. Fabrizio Borron, secrétaire de la section padouane du parti avait par exemple manifesté sur un terrain alloué par la ville pour y construire une mosquée en… tenant en laisse un porc afin qu’il salisse les lieux de son urine.

Source : Amnesty International

– Illustration : Massimo Previato