L’ISS perd de l’air depuis 5 ans et les ingénieurs ne savent toujours pas pourquoi

Station Spatiale internationale ISS
Crédits : Dima_zel/iStock

La Station Spatiale internationale (ISS), un fleuron de la collaboration humaine dans l’espace, montre des signes de vieillissement après 25 ans en orbite. Parmi les défis auxquels elle est confrontée, l’un des plus préoccupants concerne les fissures et les fuites détectées dans le module PrK, un compartiment essentiel à ses opérations. Comment les agences spatiales et l’équipage gèrent-ils ces problèmes pour prolonger la vie de cette plateforme scientifique unique ?

Le module PrK : un point névralgique fragilisé

Le module PrK, qui fait partie du segment russe de l’ISS, joue un rôle crucial. Construit pour accueillir les cargos Progress qui ravitaillent la station, il sert de passage pour transporter du matériel et des déchets. Cependant, des fissures sont apparues sur ce module, ce qui provoque des fuites d’air. La NASA et Roscosmos, l’agence spatiale russe, ont classé ces fuites au niveau de risque maximal dans leurs matrices d’évaluation : à la fois hautement probables et ayant des conséquences graves.

Les causes potentielles de ces fissures sont nombreuses. Roscosmos les attribue principalement à la fatigue cyclique causée par les microvibrations, un phénomène inévitable en orbite. De son côté, la NASA pense que les fissures résultent d’un mélange complexe de facteurs (pression interne, contraintes mécaniques, propriétés des matériaux et exposition aux rigueurs de l’environnement spatial). Malgré plusieurs réparations, les fuites n’ont pas pu être totalement éliminées. Si elles sont pour l’instant contenues, elles soulèvent des questions sur la durabilité de la structure et sur la manière de poursuivre les opérations en toute sécurité.

Des points de vue divergents sur les risques

Les fuites du PrK révèlent également des différences dans la gestion des risques entre les agences. Pour Roscosmos, la situation est sous contrôle et une désintégration catastrophique du module est jugée peu probable. La NASA se montre en revanche plus prudente et évoque des inquiétudes sur l’intégrité structurelle du PrK à long terme. Ce désaccord a des implications pratiques : à quel moment le taux de fuite deviendra-t-il intenable ? Quand faudra-t-il sceller définitivement la trappe du PrK, ce qui condamnera l’un des quatre ports d’amarrage russes de l’ISS ?

Malgré ces divergences, la collaboration reste essentielle. Roscosmos partage des échantillons de métal et des rapports d’analyse avec la NASA, tandis que des experts indépendants sont appelés pour déterminer les causes des fissures et proposer des solutions.

Des mesures pour garantir la sécurité de l’équipage

Face à l’incertitude, des précautions strictes ont été mises en place pour limiter les risques. L’équipage maintient la trappe du PrK fermée lorsqu’il n’est pas utilisé. Pendant les déchargements ou les réparations, les cosmonautes inspectent le module et tentent de colmater les fissures. Par prudence, les astronautes américains ferment également la trappe qui sépare le segment russe du segment américain lors de ces opérations.

Ces précautions affectent le quotidien de l’équipage, mais elles sont nécessaires. Comme l’explique Michael Barratt, astronaute de la NASA : « Ce n’est pas une situation confortable, mais c’est le meilleur compromis pour assurer la sécurité de tous à bord. »

ISS
Le module de service Zvezda, visible ici en haut de cette image, est l’un des éléments les plus anciens de la Station spatiale internationale. Crédit : NASA

Une station vieillissante, mais indispensable

L’ISS a été lancée en 1998, et certains de ses modules, comme le PrK et Zvezda, sont en service depuis juillet 2000. Avec l’âge, l’usure des matériaux devient inévitable et le PrK illustre bien ce défi. Malgré cela, l‘ISS reste irremplaçable. Elle est en effet aujourd’hui la seule plateforme permettant des recherches à grande échelle en microgravité, contribuant ainsi à des avancées dans des domaines aussi variés que la médecine, la physique des matériaux et les technologies spatiales. De plus, elle joue un rôle clé dans la préparation des futures missions habitées vers la Lune et Mars. Son importance scientifique, stratégique et diplomatique est donc immense.

C’est la raison pour laquelle la NASA souhaite prolonger son exploitation au moins jusqu’en 2030, soutenue par plusieurs partenaires internationaux. Roscosmos, l’agence spatiale russe, a cependant exprimé des réserves et envisage de se retirer des opérations dès 2028, ce qui laisse planer des incertitudes sur l’avenir de la station. Ce décalage reflète des priorités et des contraintes différentes entre les partenaires, mais il souligne également une réalité : maintenir une station vieillissante en activité exige des efforts techniques et financiers considérables.

Face à ces enjeux, la question n’est pas seulement de savoir combien de temps l’ISS peut rester opérationnelle, mais aussi comment elle peut continuer à jouer un rôle central dans l’exploration spatiale et la recherche scientifique malgré les défis croissants de son âge.