Dans les profondeurs de la province chinoise du Hunan, une découverte géologique pourrait bien reconfigurer l’équilibre mondial des matières premières critiques. Un vaste gisement de lithium enfoui dans les roches granitiques vient d’être mis au jour dans la zone minière de Jijiaoshan, dans le comté de Linwu. À l’heure où la planète s’électrifie et où la compétition pour les métaux de la transition énergétique s’intensifie, cette trouvaille conforte un peu plus la position dominante de la Chine dans la chaîne de valeur des batteries.
Un gisement colossal, et bien placé
Selon les autorités locales et les équipes scientifiques de l’Institut d’étude des ressources minérales du Hunan, le gisement recèle près de 490 millions de tonnes de roche contenant du lithium, ce qui représenterait environ 1,31 million de tonnes d’oxyde de lithium. Une richesse enfouie dans un granite altéré — une structure géologique bien connue des géologues — qui offre des conditions particulièrement favorables à l’extraction. Contrairement aux gisements de saumure, plus complexes et plus lents à exploiter, la roche dure permet des procédés de séparation et de traitement plus directs.
Autre avantage : ce type de gisement s’avère souvent multiriche. Outre le lithium, les géologues ont détecté la présence d’autres métaux d’intérêt stratégique, comme le tungstène, l’étain ou encore le rubidium — un élément rare prisé pour les horloges atomiques et les technologies photovoltaïques émergentes.
La Chine, déjà en position de force
Cette découverte ne tombe pas dans un vide stratégique. En 2024, la Chine détenait déjà 16,5 % des réserves mondiales de lithium, derrière le Chili, mais surtout plus de 70 % de la capacité mondiale de raffinage. Ce chiffre fait d’elle un acteur incontournable dans la transformation du minerai brut en matériaux utilisables pour les batteries lithium-ion, cœur technologique des voitures électriques et du stockage stationnaire.
Par ailleurs, Pékin continue de sonder son sous-sol. Des campagnes d’exploration sont en cours dans une immense ceinture géologique de spodumène au Tibet, longue de 2 800 kilomètres, dont les premières estimations évoquent jusqu’à 30 millions de tonnes de lithium potentiels. Si ces chiffres se confirmaient, cela bouleverserait l’équilibre mondial des ressources.

Une réponse à la demande explosive
La ruée vers le lithium ne doit rien au hasard. Avec plus de 60 % du parc mondial de véhicules électriques, la Chine voit sa demande en lithium doublée d’ici 2030, selon les projections. Elle domine aussi la fabrication de batteries, représentant plus des trois quarts de la production mondiale.
Face à cette croissance, garantir un approvisionnement domestique fiable est devenu une priorité stratégique. L’exploitation du gisement de Jijiaoshan s’inscrit dans cette logique : sécuriser les ressources, accélérer leur transformation sur place, et ainsi renforcer l’autonomie industrielle du pays.
Un contexte de compétition mondiale
Alors que les tensions géopolitiques se multiplient autour des ressources critiques, les pays occidentaux tentent de réagir. Des alliances comme le partenariat États-Unis–Union européenne sur les matières premières cherchent à réduire la dépendance vis-à-vis de la Chine. Mais le retard est considérable, notamment en matière de raffinage et de technologies d’extraction.
La Chine, de son côté, avance ses pions : subventions publiques, exploration tous azimuts, innovations sur les procédés d’extraction des métaux rares… Récemment, des chercheurs chinois ont mis au point une méthode pour isoler du chlorure de rubidium ultra-pur à partir de saumures faiblement concentrées, ouvrant de nouvelles perspectives pour l’exploitation de ressources marginales.
Une pièce majeure sur l’échiquier énergétique
La découverte de Jijiaoshan ne se résume donc pas à un simple gisement supplémentaire. Elle illustre la stratégie méthodique de la Chine pour verrouiller l’accès aux métaux de demain. Si l’exploitation suit son cours, cette réserve pourrait rapidement alimenter les usines de batteries du pays, tout en renforçant son poids dans les négociations internationales.
À l’heure où la transition énergétique mondiale repose sur des ressources limitées, les roches du Hunan pourraient bien jouer un rôle déterminant. Sous le granit, la Chine n’a peut-être pas trouvé de l’or, mais quelque chose de bien plus précieux pour le 21e siècle.
