Incendies en Amazonie : le rĂ´le dominant des pratiques agricoles

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Crédits : flickr.

Contrairement Ă  ce que l’on pourrait penser, les feux de forĂªts qui ont ravagĂ© l’Amazonie ces dernières annĂ©es sont davantage liĂ©s Ă  la dĂ©forestation et aux pratiques de culture sur brĂ»lis qu’aux Ă©pisodes de sĂ©cheresse des sols. Ce sont lĂ  les enseignements apportĂ©s par deux Ă©tudes rĂ©cemment publiĂ©es dans la revue Global Ecology and Biogeography.

Les enquĂªtes menĂ©es de façon scrupuleuse par les chercheurs ont Ă©tĂ© rendues publiques en juillet et en aoĂ»t derniers. Celles-ci nous apprennent que c’est avant tout la main de l’homme et non le changement climatique qui est Ă  la racine de ces incendies ravageurs, en particulier au BrĂ©sil et en Bolivie qui accueillent près de 70 % de la forĂªt amazonienne.

« Nous constatons que le feu est utilisĂ© dans l’agriculture afin de renouveler la vĂ©gĂ©tation, principalement dans les pĂ¢turages et en particulier au BrĂ©sil, mais sans une gestion appropriĂ©e des incendies, ce qui accroĂ®t le risque de voir le feu s’Ă©chapper dans la forĂªt adjacente et provoquer des incendies », rapporte Marcus Silveira, auteur principal d’une des Ă©tudes.

Les incendies sont mieux corrélés aux zones déforestées qu’aux zones en déficit hydrique

Ces rĂ©sultats constituent Ă  la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. Bonne car cela signifie qu’avec une meilleure gestion de la forĂªt amazonienne et de son exploitation, il est possible de rĂ©duire le nombre et l’ampleur des incendies, de mĂªme que le dĂ©stockage de carbone qui leur est associĂ©. Rappelons en effet que les incendies Ă©mettent d’importantes quantitĂ©s de CO2. Mauvaise car les dernières donnĂ©es montrent que la dĂ©forestation est repartie Ă  la hausse, en grande partie sous l’effet des politiques menĂ©es par l’ancien prĂ©sident brĂ©silien JaĂ¯r Bolsonaro. L’affaiblissement des contrĂ´les a en effet permis une envolĂ©e des pratiques de dĂ©boisement illĂ©gales et non gĂ©rĂ©es.

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Classification des diffĂ©rents biomes en Amazonie. Les surfaces occupĂ©es par chaque biome sont indiquĂ©es dans l’encadrĂ© en haut Ă  droite. CrĂ©dits : Marcus V. F. Silveira & coll. 2022.

« L’Ă©tendue annuelle des zones avec une activitĂ© anormale des feux est significativement corrĂ©lĂ©e à celle des zones avec des anomalies de dĂ©forestation, mais pas significativement corrĂ©lĂ©e Ă  celle des zones prĂ©sentant un dĂ©ficit hydrique. Nos rĂ©sultats suggèrent que la majoritĂ© des incendies intenses survenus en Amazonie depuis 2003 ne se sont pas produits dans des conditions de sĂ©cheresse anormales », rapporte l’une des Ă©tude dans son rĂ©sumĂ© tandis que l’autre note que « les incendies sans prĂ©cĂ©dent de 2020 n’Ă©taient pas seulement le rĂ©sultat de conditions climatiques atypiques mais aussi une consĂ©quence de l’intensification des activitĂ©s humaines liĂ©es au feu ».

Une compilation de données sans précédent

Pour arriver Ă  ces rĂ©sultats, les chercheurs ont compilĂ© un ensemble de donnĂ©es satellitaires Ă  haute rĂ©solution et d’inventaires nationaux sur l’utilisation des terres de sorte Ă  constituer un enregistrement climatique qui restitue d’un seul et mĂªme trait l’évolution des feux de forĂªts, de la dĂ©forestation et de l’anomalie hydrique des sols. La grille de calcul recouvre toute l’Amazonie et possède une rĂ©solution de dix kilomètres par dix kilomètres. Elle permet notamment de rĂ©vĂ©ler les types d’écosystèmes qui sont les plus touchĂ©s.

Avec une contribution de 32 % Ă  la surface brĂ»lĂ©e en moyenne annuelle, les terres agricoles constituent le biome le plus touchĂ©, suivies par les prairies naturelles et les forĂªts primaires avec 29 % et 16 %, respectivement. « Le feu est utilisĂ© afin de prĂ©parer des zones pour les cultures ou les pĂ¢turages, or le feu est un danger pour la forĂªt et sa biodiversitĂ©, mais aussi pour la durabilitĂ© de l’agriculture elle-mĂªme », explique Luiz AragĂ£o, coauteur du papier. « La solution consisterait Ă  dĂ©velopper la planification stratĂ©gique de l’utilisation des terres Ă  tous les niveaux de l’administration et dans tous les secteurs de la sociĂ©tĂ©, avec une assistance pour utiliser des techniques plus avancĂ©es ».