Les forêts sont encore plus importantes pour le climat qu’on ne le pensait déjà

forêt tropicale
Crédits : SRBR / iStock

De nouveaux travaux montrent que les forêts sont encore plus importantes qu’on ne le pensait déjà pour la stabilité du climat, et ce, aussi bien à l’échelle locale que globale. En outre, ils soulignent que le rôle des forêts dans la lutte et l’adaptation au changement climatique ne se limite pas, et de loin, à leur influence sur le carbone. Les résultats ont été publiés dans la revue Frontiers in Forests and Global Change ce 24 mars.

Dans le contexte de la lutte et de l’adaptation au réchauffement climatique, le rôle des forêts est très souvent réduit à celui de puits de carbone, c’est-à-dire à leur capacité d’absorption et de stockage du carbone émis dans l’atmosphère par nos activités. On rappelle à ce titre qu’environ 20 % de nos émissions de dioxyde de carbone (CO2) sont actuellement pris en charge par la végétation continentale.

Les forêts sont bien plus que de simples éponges à carbone

L’influence des forêts sur le climat va bien au-delà de ces seules considérations, un fait qu’une nouvelle étude appuie et détaille avec un degré de précision sans précédent, l’objectif étant d’identifier les avantages qu’apportent les forêts depuis l’échelle locale jusqu’à l’échelle globale pour différentes latitudes. Ces travaux prennent à la fois en compte le rôle de puits de carbone joué par les forêts, mais aussi les effets biophysiques, souvent plus importants, qui leur sont associés. Il s’agit en particulier des impacts sur le cycle de l’eau, les échanges d’énergie avec l’atmosphère, la rugosité du sol ou encore l’albédo, autrement dit la capacité de la surface à réfléchir le rayonnement solaire.

En évaluant l’impact qu’aurait une déforestation complète, les chercheurs ont trouvé qu’ensemble, ces facteurs maintiennent la température moyenne de la Terre plus basse d’environ 1 °C. Le refroidissement le plus important est attribuable aux forêts tropicales tandis que les forêts de hautes latitudes tendent à légèrement réchauffer. Par ailleurs, il est apparu qu’à toutes les latitudes, les mécanismes biophysiques avaient un impact plus important sur le climat local et régional que les mécanismes impliquant le carbone.

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Influence d’une déforestation complète sur la température locale, moyennée par bandes de 10° de latitude. L’effet dû à l’albédo, à la rugosité de surface et aux flux d’eau apparaissent en orange, vert et jaune respectivement. L’influence locale due à la capture de CO2 apparaît en bleu. Les effets non linéaires, impliquant l’interaction entre plusieurs des composantes précédemment citées, apparaissent en gris. Enfin, l’encart à gauche compare l’ensemble de ces effets biophysiques (blanc) à celui du CO2 (noir). Crédits : Deborah Lawrence & coll. 2022.

Notons que la végétation ne maintient pas simplement les températures moyennes plus basses, mais atténue également les extrêmes de chaleur, l’intensité des sécheresses et, aux hautes latitudes, les extrêmes froids. Or, en région tropicale comme aux moyennes latitudes, ce sont précisément les pics de chaleur et les épisodes de sécheresse qui ont les conséquences les plus délétères. Ainsi, par leurs influences multiples et hétérogènes, les forêts stabilisent aussi bien les climats locaux et régionaux que le climat global.

La dimension systémique des forêts, un cadre fertile pour travailler la lutte et l’adaptation au changement climatique

Ainsi que le montre l’étude, la déforestation expose une surface croissante des terres aux chaleurs et aux sécheresses extrêmes, indépendamment du réchauffement global. « En d’autres termes, la déforestation pousse aujourd’hui les gens dans une expérience que nous essayons d’éviter en atteignant 2 °C plutôt que 1,5 °C de réchauffement », rapporte Déborah Lawrence, auteure principale du papier. « Les personnes vivant avec la déforestation souffrent déjà des effets de ce monde plus chaud et plus extrême. La restauration des forêts les ramènerait à un climat plus vivable ».

Les auteurs soulignent que pour véritablement tirer parti des forêts dans la lutte et l’adaptation au changement climatique, il est nécessaire d’aller au-delà de la vision actuelle trop simpliste qui ne considère les forêts qu’à l’aune de leur influence sur le carbone. Afin de préserver et d’améliorer la résilience de nos sociétés, des peuples autochtones et de la biodiversité, le rôle des forêts sur le cycle de l’eau, l’influence des aérosols biogéniques qu’elles émettent tout comme les turbulences qu’elles génèrent devront être considérés sur un seul et même plan.

Influence d’une déforestation complète sur la température globale, moyennée par bandes de 10° de latitude. A. Idem que pour la figure précédente, avec l’effet des aérosols biogéniques en violet. B. Comparaison des effets biophysiques et des aérosols biogéniques (bleu foncé) à celui du CO2 (bleu clair). C. Bilan net par bande de latitudes (réchauffement en rouge, refroidissement en bleu). Crédits : Deborah Lawrence & coll. 2022.

« La recherche montre de plus en plus clairement que les forêts sont encore plus complexes qu’on ne le pensait auparavant », note Wayne Walker, un des coauteurs de l’étude. « Lorsque nous les abattons, nous constatons des effets dévastateurs sur notre climat, nos approvisionnements alimentaires et notre vie quotidienne. Les avantages de garder les forêts intactes sont clairs, il est impératif que nous donnions la priorité à leur protection ».

« Sans le couvert forestier que nous avons actuellement, la planète serait plus chaude et les conditions météorologiques plus extrêmes », ajoute Michael Coe, coauteur du papier. « Elles nous offrent une défense contre les pires scénarios de réchauffement ». « Il est temps que les décideurs aux niveaux local et mondial réalisent que les forêts ont encore plus de valeur pour les populations et les économies, aujourd’hui et à l’avenir, en raison de leurs avantages non liés au carbone », conclut Louis Verchot, coauteur de l’étude. « Elles sont la clé de l’atténuation, mais aussi de l’adaptation ».