Des images déclassifiées provenant de satellites espions de la guerre froide ont révélé l’existence de centaines de forts romains jusqu’à présent inconnus en Irak et en Syrie. Cette découverte remet en question l’idée que la frontière orientale de l’ancien Empire romain était principalement défensive. Au lieu de former une ligne nord-sud pour repousser des envahisseurs, ces forts semblent avoir été construits pour faciliter le commerce et les voyages pacifiques.
Une ligne de défense pour contrer les ennemis
Initialement, les forts romains découverts dans la région d’Irak et de Syrie étaient largement interprétés comme faisant partie d’une ligne de défense nord-sud qui servait à repousser les rivaux de l’Empire romain, en particulier l’Empire perse. Cette idée était basée sur des hypothèses formulées dès les années 1930 par l’archéologue français et prêtre jésuite Antoine Poidebard qui avait à l’époque découvert 116 forts de forme carrée datant des deuxième et troisième siècles après J.-C.
Poidebard avait alors pris des photographies aériennes de ces structures en utilisant son propre biplan qu’il avait appris à piloter pendant la Première Guerre mondiale. Il avait finalement conclu que ces forts formaient une ligne de défense destinée à repousser les incursions des Parthes et, plus tard, des Perses sassanides.
Une nouvelle perspective
L’analyse d’images satellitaires prises dans le cadre du projet américain Corona (1960 à 1972) récemment déclassifiées, associée aux forts romains déjà connus, suggère une nouvelle perspective sur ces sites archéologiques. Contrairement à la théorie précédente qui proposait une répartition nord-sud des forts, la distribution actuelle des sites suggère plutôt une orientation est-ouest.
De ce fait, au lieu de servir principalement à des fins défensives, ces forts semblent avoir été érigés pour faciliter le commerce et les voyages pacifiques, créant ainsi un environnement plus favorable aux échanges entre l’Empire romain et l’Empire parthe. Ces structures pourraient notamment avoir servi à protéger les caravanes commerciales lorsqu’elles traversaient la région.
Cette nouvelle interprétation remet donc en question l’idée préalablement acceptée de la nature des frontières romaines orientales. Le fait que de nombreux forts identifiés sur les images satellitaires aient depuis été détruits en raison de l’expansion agricole et de l’urbanisation souligne également l’importance de la déclassification des images pour la recherche archéologique.
Les chercheurs estiment en effet que d’autres découvertes significatives pourraient découler de la déclassification d’autres images aériennes, notamment celles prises par les avions espions U2, et qu’elles pourraient contribuer à éclairer davantage l’histoire de cette région et les relations commerciales entre les anciennes puissances.
Les détails de l’étude sont publiés dans la revue Antiquity.