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Ils sont inoffensifs, invisibles… mais sont capables de révéler la présence d’un ennemi à 100 km

À l’ère des tensions croissantes sous les mers, la Royal Navy britannique mise sur l’intelligence artificielle pour surveiller les profondeurs. Son nouveau système baptisé Lura, conçu pour traquer les sous-marins ennemis, promet une révolution dans la guerre sous-marine. Et le tout… sans torpilles ni humains à bord.

Des planeurs discrets inspirés des cétacés

Derrière ce nom énigmatique se cache un programme de défense fondé sur une technologie biomimétique : un réseau de drones sous-marins autonomes, surnommés « planeurs », qui rappellent le mode de chasse des dauphins.

À l’origine conçus pour étudier les baleines et l’environnement marin, ces engins — appelés SG-1 Fathoms — évoluent aujourd’hui en véritables sentinelles silencieuses. Leur rôle : écouter les sons sous-marins, détecter les signatures acoustiques suspectes, et alerter en temps réel les commandements militaires.

L’intelligence artificielle pour surveiller les abysses

Lura se distingue par sa capacité d’analyse autonome. Chaque drone est doté d’une IA capable d’identifier des sons infimes — le ronronnement d’un moteur, une cavitation inhabituelle — et de faire la différence entre un sous-marin russe, un cargo ou un ferry, même au sein d’un même type de navire.

Cette finesse de détection dépasse ce qu’un opérateur humain peut accomplir. Et lorsqu’un comportement suspect est repéré, le planeur fait surface pour transmettre les données aux équipes de la Royal Navy.

« Lura détecte pour que nos marins puissent dissuader », affirme Gundbert Scherf, cofondateur de Helsing, la société européenne de défense technologique à l’origine du programme.

Un filet invisible pour dissuader plutôt que frapper

L’objectif de Lura n’est pas offensif. Il ne s’agit pas d’armer ces drones, mais d’en faire un maillage de surveillance permanent, difficile à détecter et bon marché à produire.

« Un seul ne peut pas faire grand-chose, reconnaît Niall Cartwright, architecte technique chez Helsing. Mais ils sont si simples et peu coûteux qu’on peut en déployer des centaines, voire des milliers. L’adversaire y réfléchira à deux fois avant de s’approcher. »

Grâce à leur fonctionnement passif et à leur faible empreinte énergétique, ces planeurs peuvent rester plusieurs mois sous l’eau sans entretien ni recharge.

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Un contexte stratégique sous haute tension

Le développement de Lura intervient alors que les menaces pesant sur les infrastructures sous-marines se multiplient. Depuis le début du conflit en Ukraine, plusieurs incidents – fuites inexpliquées sur des gazoducs, perturbations de câbles télécom – ont ravivé la peur d’opérations de sabotage sous-marines.

En novembre dernier, un sous-marin d’attaque britannique a même été contraint de faire surface à proximité d’un navire espion russe rôdant près des côtes britanniques.

Avec Lura, la Royal Navy veut donc renforcer sa posture dissuasive, tout en rendant plus difficile toute intrusion discrète dans ses eaux territoriales. Elle s’appuie ici sur une idée simple mais redoutablement efficace : rendre la mer « transparente » pour mieux défendre ce qui s’y cache.

L’océan, nouveau champ de bataille numérique

L’intégration de l’intelligence artificielle dans les systèmes de surveillance maritime marque un tournant stratégique. Là où la guerre sous-marine reposait traditionnellement sur la furtivité et le silence, elle s’oriente désormais vers la détection de masse par la donnée, à bas coût et à grande échelle.

Et si Lura remplit ses promesses, les fonds marins britanniques pourraient bien devenir les plus surveillés d’Europe— sans qu’aucun sonar ne se mette à hurler.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.