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Ils ont traversé l’enfer : voici les images filmées par la NOAA au cœur de l’ouragan Melissa

C’est un voyage que peu d’humains osent entreprendre : plonger en avion dans l’œil d’un ouragan de catégorie 5, là où la nature déchaîne sa fureur la plus absolue. Lundi matin, alors que l’ouragan Melissa atteignait son intensité maximale dans les Caraïbes, une équipe de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) a survolé le monstre pour recueillir des données cruciales. Leurs instruments de mesure, tout comme leurs nerfs, ont été mis à rude épreuve. L’un d’eux, le scientifique Andy Hazelton, a décrit cette expérience comme « la plus violente » de sa carrière. Derrière ce récit spectaculaire se cache bien plus qu’une prouesse technique : l’expression d’une ère où les ouragans deviennent de plus en plus puissants, et où la science tente désespérément de suivre le rythme.

L’œil du cyclone : une mission à haut risque

Les « Hurricane Hunters » de la NOAA ne sont pas de simples pilotes. Leur mission consiste à voler au cœur des cyclones tropicaux pour collecter des données en temps réel : pression atmosphérique, vitesse du vent, humidité, température… Ces chiffres permettent de mieux comprendre la dynamique interne d’un ouragan et d’améliorer la précision des prévisions. Mais face à Melissa, la tâche a pris une tournure extrême.

Ce 27 octobre, alors que la tempête atteignait la catégorie 5 avec des vents de 280 km/h, l’équipage a pénétré dans le mur de l’œil sud-ouest — la zone la plus violente du cyclone. Les turbulences étaient telles qu’ils ont dû interrompre leur mission plus tôt que prévu. Hazelton, chercheur à l’Université de Miami, raconte comment l’avion a été secoué « comme un jouet dans une machine à laver ». Malgré les risques, ces vols sont indispensables : les satellites offrent des images impressionnantes, mais seul un vol habité permet d’obtenir les mesures de précision nécessaires à la recherche scientifique.

Ces données sont transmises en direct au Centre national des ouragans (NHC) aux États-Unis, qui s’en sert pour affiner ses modèles de prévision et alerter les populations. Grâce à elles, les météorologues jamaïcains savaient déjà que Melissa allait frapper l’île avec une intensité potentiellement catastrophique.

L’ouragan Melissa : un colosse climatique sans précédent

Melissa n’est pas une tempête ordinaire. En quelques heures, elle est passée du statut de cyclone tropical à celui d’ouragan de catégorie 5, la plus élevée sur l’échelle de Saffir-Simpson. Ses vents soutenus dépassaient les 280 km/h, un niveau rarement atteint dans l’histoire moderne des Caraïbes. Selon le NHC, il s’agit de la tempête la plus puissante de 2025.

Ce qui la rend particulièrement redoutable, c’est sa lenteur. En avançant à un rythme d’à peine quelques kilomètres par heure, Melissa concentre ses pluies et ses rafales sur les mêmes zones pendant des heures, voire des jours. Les prévisionnistes redoutent jusqu’à 76 centimètres de précipitations en Jamaïque, accompagnés d’une onde de tempête et de glissements de terrain massifs. « C’est une situation désastreuse qui évolue au ralenti », résume Jonathan Porter, météorologue en chef chez AccuWeather.

Mais Melissa est aussi un symbole. Elle illustre une tendance que les climatologues observent depuis plusieurs années : les cyclones tropicaux deviennent non seulement plus fréquents, mais surtout plus intenses. L’Atlantique Nord a connu 45 ouragans de catégorie 5 depuis 1924 — dont près d’un tiers au cours de la dernière décennie. Cette accélération est en grande partie attribuée au réchauffement des océans, qui alimente ces monstres d’énergie thermique.

Quand la science affronte la tempête

Chaque vol dans un ouragan représente un pari entre la connaissance et le danger. Les scientifiques embarqués dans ces missions savent qu’ils risquent leur vie, mais leur travail permet de sauver des milliers d’autres. En survolant Melissa, ils ont recueilli des données précieuses sur la structure interne d’un ouragan extrême, un phénomène que les modèles climatiques peinent encore à reproduire avec précision.

Les images captées par le satellite GOES-19 montrent l’œil de Melissa, parfaitement circulaire, entouré d’un mur de nuages chargé d’éclairs. Ce contraste saisissant — un calme absolu au centre, une furie totale autour — rappelle que la nature est à la fois ordonnée et incontrôlable. Pour les scientifiques, comprendre ces mécanismes est devenu une urgence planétaire. Si la fréquence des ouragans de catégorie 4 et 5 continue d’augmenter, les infrastructures côtières actuelles ne suffiront plus à protéger les populations.

La Jamaïque, qui se trouve sur la trajectoire directe de Melissa, en fera peut-être la douloureuse expérience. Les autorités locales ont déjà prévenu que l’ouragan pourrait devenir la tempête la plus destructrice de son histoire récente. Et pendant que le monde retient son souffle, les chercheurs de la NOAA continuent d’analyser leurs données — convaincus que chaque vol, aussi périlleux soit-il, rapproche un peu plus l’humanité de la compréhension de ces géants atmosphériques.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.