Ils ont créé une souris avec 6 pattes et sans organes génitaux

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Un embryon de souris typique (à gauche) possède quatre membres. Un embryon dans lequel un gène particulier a été désactivé à mi-chemin de son développement possède six membres et plusieurs de ses organes internes dépassent de son abdomen. Crédits : ANASTASIIA LOZOVSKA ET AL/NAT. COMMUNICATIONS

Des chercheurs ont réalisé une expérience qui a conduit à créer un embryon de souris à six pattes doté d’une paire supplémentaire de membres postérieurs au détriment de ses organes génitaux externes. Ces travaux pourraient offrir un nouvel éclairage sur les premières étapes du développement animal et révéler des informations précieuses sur notre propre évolution.

Instructions chimiques

Au commencement de la vie, chaque organisme, y compris les êtres humains, commence son voyage embryonnaire sous la forme d’un simple amas de cellules dépourvues de membres distincts. Ces cellules embryonnaires possèdent un potentiel extraordinaire qui les guide à travers un processus de différenciation complexe et précis, conduisant à la formation des structures anatomiques.

Ce processus de différenciation cellulaire est orchestré par un réseau sophistiqué d’instructions chimiques qui agissent comme des commandes pour réguler l’activation ou la désactivation de certains gènes en fonction de leur emplacement dans le corps en développement.

Ces instructions, souvent désignées sous le nom de facteurs de croissance, jouent donc un rôle crucial dans le développement embryonnaire en contrôlant divers aspects de la croissance cellulaire, de la spécialisation des tissus et de la formation des organes.

La régulation des membres embryonnaires

Parmi ces facteurs de croissance, la famille des facteurs de croissance transformants bêta (TGF-β) revêt une importance particulière. Lorsque les cellules embryonnaires y sont exposées, elles réagissent en produisant des récepteurs spécifiques, qui sont des protéines situées à la surface des cellules capables de reconnaître et de se lier aux facteurs de croissance.

Le récepteur Tgfβ1 est l’un de ces récepteurs spécifiques associés à la famille des facteurs de croissance TGF-β. Son rôle est particulièrement remarquable dans la régulation du développement des membres postérieurs et des organes génitaux externes au cours de l’embryogenèse. En réagissant aux signaux des facteurs de croissance TGF-β, ce récepteur initie une cascade de réactions cellulaires qui contribuent à la mise en place et à la différenciation appropriée des structures anatomiques essentielles.

Ainsi, le récepteur Tgfβ1 agit comme un maître d’orchestre moléculaire, coordonnant les processus complexes impliqués dans le développement des membres postérieurs et des organes génitaux externes. Il assure également leur formation adéquate et leur intégration harmonieuse dans le schéma corporel global de l’organisme en développement.

Des embryons à six pattes

Dans le cadre de recherches récentes, des scientifiques ont entrepris d’étudier l’impact des interactions chimiques sur le développement embryonnaire. Pour ce faire, ils ont ciblé le gène responsable du récepteur Tgfbr1 à mi-parcours du développement des embryons de souris.

À l’origine, les chercheurs anticipaient que cette manipulation influencerait le développement de la moelle épinière. Cependant, le résultat s’est avéré bien plus surprenant : les embryons ont développé une paire de membres postérieurs supplémentaires au détriment de leurs organes génitaux externes.

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Reconstruction 3D de l’embryon de souris avec Tgfbr1 désactivé. Les membres normaux sont en turquoise et les membres supplémentaires sont en magenta. Crédits : Lozovska et al., Nature Communications, 2024

En résumé, les chercheurs ont découvert que le récepteur Tgfbr1 joue un rôle crucial dans la détermination du développement des bourgeons de membres, influençant ainsi la formation de membres postérieurs ou d’organes génitaux en modifiant la structure de l’ADN à l’intérieur des cellules. En désactivant ce récepteur, l’équipe a involontairement altéré l’expression d’autres gènes, entraînant ainsi l’apparition de membres supplémentaires.

Cette étude met donc en lumière une remarquable plasticité tissulaire et offre des implications importantes dans la compréhension de l’évolution des mammifères à quatre pattes. En effet, bien que les recherches aient été menées sur des souris, les voies de développement initiales sont similaires chez de nombreux animaux, y compris l’espèce humaine. Ces découvertes pourraient donc également éclairer notre compréhension du développement humain et ouvrir de nouvelles perspectives pour la recherche médicale.

Les détails de l’étude sont publiés dans la revue Nature Communications.