diamant météorite
Crédits : RHJ/istock

Ils ont créé un matériau plus dur que le diamant (et il vient de l’espace)

Depuis des millénaires, le diamant règne en maître absolu sur l’échelle de dureté des matériaux naturels. Aucune substance connue ne peut rivaliser avec sa résistance légendaire. Mais cette suprématie vient d’être remise en question par une équipe de scientifiques chinois qui ont accompli l’impensable : créer artificiellement un matériau théoriquement 58% plus dur que le diamant traditionnel. Leur secret ? Reproduire en laboratoire les conditions cataclysmiques d’un impact de météorite survenu il y a 50 000 ans dans le désert de l’Arizona.

Le mystère de la météorite Canyon Diablo

L’histoire commence dans les années 1960, quand les scientifiques découvrent quelque chose d’étrange dans les fragments de la météorite Canyon Diablo. Parmi les débris de ce bolide cosmique qui a percuté la Terre avec une violence inouïe, ils identifient de minuscules cristaux présentant une structure cristalline jamais observée auparavant.

Ces fragments microscopiques semblaient défier les lois de la cristallographie connue. Contrairement au diamant classique avec sa structure cubique parfaitement ordonnée, ces cristaux météoritiques révélaient une architecture hexagonale mystérieuse. Les chercheurs baptisent cette forme énigmatique « lonsdaléite », du nom de la cristallographe Kathleen Lonsdale.

Pendant des décennies, l’existence même de ce diamant hexagonal divise la communauté scientifique. Les échantillons sont si petits, si contaminés par d’autres formes de carbone, que nombreux sont ceux qui doutent de sa réalité. Comment un simple changement d’arrangement atomique pourrait-il créer quelque chose de plus dur que le matériau le plus résistant de la nature ?

L’architecture secrète de la résistance ultime

La réponse réside dans l’arrangement subtil des atomes de carbone. Le diamant traditionnel organise ses atomes selon un motif répétitif de trois couches (A, B, C), créant une structure cubique d’une régularité parfaite. Chaque atome forme quatre liaisons identiques avec ses voisins, séparées par un angle invariable de 109,5 degrés.

Le diamant hexagonal bouleverse cette organisation millénaire. Ses atomes de carbone s’arrangent selon un motif de seulement deux couches (A, B), mais avec une particularité révolutionnaire : deux longueurs de liaison différentes coexistent dans la même structure. Cette asymétrie apparemment insignifiante transforme radicalement les propriétés mécaniques du matériau.

Cette déformation contrôlée du réseau cristallin crée des contraintes internes qui renforcent considérablement la résistance de l’ensemble. C’est comme si la nature avait trouvé un moyen de « pré-contraindre » le matériau pour le rendre encore plus robuste.

Reproduire l’apocalypse en laboratoire

L’équipe dirigée par Wenge Yang au Centre de recherche avancée sur les sciences et technologies des hautes pressions de Pékin a relevé un défi titanesque : recréer les conditions extrêmes qui règnent lors d’un impact météoritique catastrophique.

Leur laboratoire se transforme en théâtre de forces cosmiques. Utilisant une cellule à enclume de diamant – un dispositif capable d’exercer des pressions phénoménales – ils soumettent du graphite purifié à une pression de 20 gigapascals, soit 200 000 fois la pression atmosphérique normale. Pour donner une perspective, c’est équivalent au poids de 20 000 atmosphères terrestres concentré sur une surface minuscule.

Simultanément, des lasers ultra-précis chauffent l’échantillon à plus de 1 400°C, recréant l’enfer thermique d’un impact cosmique. Dans ces conditions extrêmes, les couches planes de graphite se déforment et se lient différemment, donnant naissance à la structure hexagonale tant recherchée.

Une prouesse technique historique

Les résultats dépassent toutes les espérances. Pour la première fois dans l’histoire scientifique, des disques de diamant hexagonal suffisamment grands pour être analysés voient le jour. La microscopie électronique révèle clairement les couches caractéristiques AB, tandis que la cristallographie aux rayons X confirme définitivement l’architecture hexagonale.

Soumen Mandal, physicien spécialisé dans les applications du diamant à l’Université de Cardiff, salue cette « bonne première démonstration » tout en soulignant les défis à venir. Les échantillons restent relativement impurs, contenant encore des fragments de diamant cubique classique, et leur taille limite les tests de propriétés mécaniques approfondis.

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Un diagramme montrant les différences structurelles entre le diamant cubique (à gauche) et le diamant météoritique (à droite). Crédit image : Ralf Riedel

Révolutionner l’industrie de demain

Les implications de cette découverte rapportée dans Nature dépassent largement le cadre académique. Un matériau 58% plus dur que le diamant ouvrirait des perspectives révolutionnaires dans de nombreux secteurs industriels. L’extraction pétrolière et minière pourrait bénéficier d’outils de forage d’une efficacité inégalée, capables de traverser les roches les plus résistantes.

L’électronique haute performance verrait également ses horizons s’élargir considérablement. Les propriétés thermiques exceptionnelles du diamant hexagonal en feraient un candidat idéal pour la gestion de la chaleur dans les processeurs de nouvelle génération et les technologies quantiques émergentes.

Yang et son équipe estiment qu’il faudra encore une décennie avant que ces applications deviennent réalité. Leur prochain objectif : produire des échantillons plus grands et plus purs, ouvrant ainsi la voie à l’adoption industrielle de ce matériau né des étoiles et forgé par la science humaine.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.