Et si l’intelligence de demain n’était ni tout à fait humaine, ni totalement artificielle ? Une start-up australienne vient de franchir une étape vertigineuse dans ce sens. Son nom : Cortical Labs. Son invention : CL-1, un « ordinateur biologique » qui fusionne cellules cérébrales humaines et technologie au silicium. Un croisement inédit entre cerveau et machine, qui ouvre autant d’espoirs que de questions… vertigineuses.
Deux ordinateurs, deux mondes… une fusion
Aujourd’hui, le monde repose sur deux types d’ordinateurs. D’un côté, les machines électroniques, fondées sur des transistors et des circuits imprimés, qui calculent à la vitesse de l’éclair. De l’autre, le cerveau humain, résultat de milliards d’années d’évolution, capable de conscience, d’émotions, et de créativité — mais pas très rapide pour faire des divisions.
L’idée de combiner ces deux types d’intelligence fascine les scientifiques depuis des décennies. Et avec CL-1, cette fusion n’est plus de la science-fiction.
Un cerveau miniaturisé… sur une puce
CL-1 n’a rien d’un ordinateur classique. À la place d’un processeur, on trouve une culture de neurones vivants (environ 800 000 cellules) cultivés en laboratoire, greffés sur une puce électronique. Ensemble, ils interagissent, apprennent, et réagissent à des stimuli.
Cortical Labs ne cherche pas à remplacer votre PC ou à lancer un nouveau smartphone. L’objectif est médical et scientifique : créer une plateforme capable de tester des médicaments ou d’étudier certaines maladies neurologiques sans recourir à l’expérimentation animale.
Une machine qui apprend… et qui joue !
Ce projet est né d’un prototype baptisé DishBrain, qui avait fait parler de lui en 2022. L’expérience : apprendre à ce mini-cerveau à jouer au jeu Pong, comme dans les années 70. En analysant des retours simples (gagner ou perdre un point), les neurones ajustaient leur comportement pour améliorer leurs performances. Ils « comprenaient » qu’ils interagissaient avec un environnement.
Ce n’est pas une conscience, mais c’est une forme rudimentaire d’apprentissage.

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Crédits : Lidiia Moor/istockUn espoir contre les maladies, une alerte pour l’éthique
Avec CL-1, les chercheurs peuvent déjà simuler l’effet de certaines molécules sur du tissu cérébral humain. C’est un progrès énorme, notamment pour les troubles neurologiques ou psychiatriques. Aujourd’hui, plus de 90 % des médicaments testés échouent lorsqu’ils passent de l’animal à l’humain. Un tel outil pourrait réduire les échecs… et remplacer les tests sur les animaux dans bien des cas.
Mais une question se pose : et si ces neurones ressentaient quelque chose ?
Aujourd’hui, les chercheurs estiment que ce n’est pas le cas. Les neurones isolés réagissent à des stimuli sans « savoir » ce qu’ils font. Mais que se passera-t-il quand ces ordinateurs biologiques deviendront plus complexes ? Auront-ils des émotions ? De la mémoire ? Une conscience embryonnaire ?
Pour éviter ces dérives, l’équipe travaille main dans la main avec des bioéthiciens. Mais la ligne rouge, pour l’instant, reste floue.
Vers une nouvelle forme d’intelligence ?
Cortical Labs parle d’intelligence biologique synthétique. Une IA, oui — mais faite de matière vivante. Ce type d’intelligence, selon eux, serait plus « naturelle » que nos IA actuelles, car plus proche de notre biologie.
L’idée fascine… mais inquiète aussi. Si ces systèmes atteignent un jour des performances proches du cerveau humain, serons-nous encore capables de tracer la frontière entre ce qui pense et ce qui simule la pensée ?
Conclusion : science-fiction ou science tout court ?
L’arrivée du CL-1 est peut-être un petit pas technique, mais c’est un bond conceptuel immense. Pour la première fois, un ordinateur n’est plus seulement une machine froide : il intègre le vivant. Le futur de l’informatique sera-t-il hybride ? Biologique ? Conscient ? La course est lancée. Et cette fois, les neurones sont déjà dans la boucle.