crocodile homo habilis
Crédits : P Stock/istock

Il y a 1,8 million d’années, deux humains disparus ont connu une mort particulièrement brutale !

Lorsque l’on évoque nos lointains ancêtres, il est tentant de les imaginer dominant leur environnement à la force de leurs outils, inventant les premières technologies et marquant le début de l’histoire humaine. Pourtant, il y a environ 1,8 million d’années, en Afrique de l’Est, nos ancêtres restaient des proies vulnérables, à la merci des redoutables prédateurs qui régnaient alors sur la savane et les marécages.

C’est ce que rappelle une série de fossiles célèbres découverts dans les gorges d’Olduvai, en Tanzanie, l’un des berceaux les plus riches de la paléoanthropologie. Ces ossements appartiennent à une espèce humaine aujourd’hui disparue : Homo habilis, l’un des premiers représentants du genre Homo, auquel nous appartenons.

Homo habilis : le « bricoleur » préhistorique à la merci des prédateurs

Le nom Homo habilis, signifiant « homme habile », reflète une compétence essentielle de cette espèce : la capacité à fabriquer et utiliser des outils en pierre. Apparue il y a environ 2,4 millions d’années, elle aurait disparu vers 1,65 million d’années. Cette aptitude technique, qui témoigne d’une certaine intelligence et d’une organisation sociale rudimentaire, fait d’Homo habilis une espèce charnière entre des ancêtres plus primitifs et les humains modernes.

Cependant, même équipé d’outils, Homo habilis n’avait rien d’un prédateur tout-puissant. Ces hominidés, sans armes efficaces ni refuges assurés, étaient encore des proies faciles pour la faune africaine. Le destin tragique de certains d’entre eux, mis au jour par les paléontologues, en est une illustration frappante.

Des fossiles qui racontent une mort violente

Parmi les découvertes marquantes d’Olduvai, trois spécimens sont particulièrement éclairants. Ils sont répertoriés sous les noms de OH 7, OH 8 et OH 35. Le premier, OH 7, est célèbre pour avoir permis, dans les années 1960, d’identifier l’espèce Homo habilis grâce à des fragments de crâne, de main et de pied d’un jeune individu. Cette découverte fut d’abord contestée mais a fini par convaincre la communauté scientifique.

Les spécimens OH 8 (un pied fossilisé) et OH 35 (un os de jambe) racontent une autre histoire, plus sombre. En 2012, une étude publiée dans le Journal of Human Evolution a mis en lumière les circonstances particulièrement cruelles de leur disparition. Les marques laissées sur leurs os ne laissent guère de doute : ces individus ont été démembrés par un crocodile, probablement de taille moyenne, avant d’être mordus par un grand carnivore ressemblant à un léopard.

Les paléontologues s’interrogent encore sur le lien entre ces fossiles. Si OH 7 et OH 8 appartenaient bien au même individu, cela signifierait que ce malheureux Homo habilis a été victime, au fil de son agonie ou après sa mort, de plusieurs prédateurs distincts. Une hypothèse soutenue par la combinaison des traces retrouvées : empreintes de crocs, morsures, arrachages de membres.

Homo Habilis
Reconstruction des os du pied d’Homo habilis avec des marques de morsure de crocodile au Smithsonian National Museum of Natural History. Crédit image : Ryan Somma/Flickr

La loi impitoyable de la nature préhistorique

Comment imaginer la scène ? Peut-être ce jeune Homo habilis s’est-il aventuré trop près d’une rivière infestée de crocodiles. Une attaque foudroyante l’aurait traîné dans l’eau, mutilant ses membres. Plus tard, son cadavre aurait pu échouer sur une rive ou être récupéré par un autre prédateur opportuniste, tel qu’un grand félin. Rien ne prouve qu’il ait été tué par les deux animaux au même moment ; il est même plus probable que ces morsures soient espacées dans le temps.

Quoi qu’il en soit, ces fossiles nous rappellent une vérité parfois négligée : nos ancêtres ne dominaient pas le monde, ils y survivaient tant bien que mal. La savane et les marais regorgeaient de dangers contre lesquels ni leur intelligence balbutiante, ni leurs premiers outils ne pouvaient grand-chose.

Une leçon d’humilité face à notre passé

Ces découvertes nous offrent un précieux éclairage sur la vulnérabilité des premiers humains face à la nature. Si Homo habilis a ouvert la voie à l’incroyable aventure de notre espèce, il n’en restait pas moins un maillon fragile de l’écosystème africain.

Aujourd’hui, en contemplant ces vestiges d’une mort brutale, nous sommes invités à réfléchir sur nos origines. L’évolution humaine ne fut pas une ascension triomphale, mais une longue lutte pour la survie, marquée par la peur, la faim, et parfois la fin tragique dans les mâchoires d’un crocodile ou sous les crocs d’un félin.

Ainsi, la prochaine fois que vous entendrez parler de l’évolution humaine, souvenez-vous que nous sommes les descendants d’espèces qui ont payé cher leur existence au sein d’une nature impitoyable.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.