pin Wollemi arbre dinosaures
Crédits : Bundit Minramun/istock

Il nourrissait les dinosaures : le retour inattendu d’un arbre vieux de 200 millions d’années

Quand on évoque les « fossiles vivants », l’esprit s’oriente naturellement vers le crocodile, le cœlacanthe ou encore le requin, ces espèces animales qui semblent avoir échappé à l’érosion du temps. Mais un autre survivant du passé, plus discret, pousse encore aujourd’hui à l’ombre des eucalyptus, dans une gorge isolée d’Australie : le pin Wollemi. Ce conifère, surnommé « l’arbre des dinosaures », partageait autrefois son habitat avec les gigantesques reptiles du Jurassique.

Son histoire est presque digne d’un roman. Pendant des millions d’années, on pensait que cette espèce avait totalement disparu, ne subsistant qu’à travers quelques fossiles dispersés dans les couches géologiques. Jusqu’à ce qu’en 1994, David Noble, un garde forestier passionné de botanique, découvre dans un recoin difficilement accessible du parc national de Wollemi, au sud-est de l’Australie, une poignée d’arbres inconnus. L’analyse ne laisse aucun doute : il s’agit bien d’un conifère que l’on croyait éteint depuis près de 90 millions d’années.

Un rescapé préhistorique aux allures étranges

Le pin Wollemi (Wollemia nobilis) appartient à une très ancienne famille de conifères, les Araucariacées, dont certains membres dominaient les forêts de l’hémisphère sud à l’ère des dinosaures. L’arbre peut atteindre 40 mètres de haut, mais c’est surtout son apparence qui intrigue : une écorce brun foncé bosselée, qui évoque du chocolat soufflé, et des feuilles en forme d’aiguilles plates, disposées en spirales géométriques presque parfaites.

Cette esthétique singulière n’est pas qu’une curiosité. Elle révèle un patrimoine génétique unique, façonné par des millions d’années d’évolution isolée. Et pourtant, ce témoin du Jurassique est aujourd’hui terriblement fragile.

Une espèce menacée par notre époque

Depuis sa redécouverte, le pin Wollemi a été placé sur la Liste rouge de l’UICN, dans la catégorie la plus préoccupante : danger critique d’extinction. Moins d’une centaine d’individus matures subsistent à l’état sauvage, regroupés dans une zone tenue secrète pour éviter tout risque de contamination ou de vandalisme.

Mais même ce secret n’a pas suffi à les protéger. Lors des incendies catastrophiques de 2019-2020 en Australie, des unités spécialisées ont dû intervenir en urgence pour sauver la population sauvage, arrosant les arbres à l’aide d’hélicoptères pour éviter que les flammes ne les réduisent en cendres. Un rappel brutal : même les géants du passé peuvent vaciller sous les coups du changement climatique.

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Crédits : Bundit Minramun/istock

Une renaissance botanique mondiale

Pour éviter une extinction définitive, les scientifiques ont mis en place un programme de conservation inédit : la métacollection. Le principe ? Répartir des spécimens génétiquement diversifiés dans plusieurs jardins botaniques à travers le monde, afin de garantir leur survie en dehors de leur habitat naturel.

Et cette stratégie commence à porter ses fruits – littéralement. En Angleterre, un couple de retraités ayant planté un jeune pin Wollemi dans leur jardin en 2010 a eu la surprise, quinze ans plus tard, de voir l’arbre produire ses premières graines. Une petite victoire qui montre que, même loin de l’Australie, l’arbre peut grandir, se développer… et peut-être donner naissance à une nouvelle génération.

Une leçon venue du fond des âges

Le pin Wollemi n’est pas seulement un survivant : il est un pont vivant entre le passé et le présent. À lui seul, il nous rappelle que la biodiversité que nous croyons connaître est pleine de surprises, et que même dans un monde largement exploré, des trésors oubliés peuvent encore surgir.

Sa survie dépend désormais de nous — de notre capacité à conjuguer science, respect du vivant et coopération internationale. Préserver cet arbre, c’est préserver une part tangible de notre histoire évolutive, un témoin silencieux des forêts disparues qui ont vu passer les dinosaures.

Alors, si vous croisez un jour un étrange conifère à l’écorce boursouflée dans un jardin botanique, prenez un moment. Vous vous tenez peut-être devant l’un des derniers arbres à avoir vu les dinosaures passer sous ses branches.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.